Les cinq recommandations de Culture Papier à la Mission d’information sur le recyclage du papier et du carton
Accueil>Nos actions>Le Blog #Lepapieraufutur>Les cinq recommandations de Culture Papier à la Mission d'information sur le recyclage du papier et du carton
Écosystème #Débat

Les cinq recommandations de Culture Papier à la Mission d’information sur le recyclage du papier et du carton

16.12.2020
Culture Papier a été auditée par la Mission de l'Assemblée Nationale sur le recyclage du papier et du carton le 2 décembre 2020. A son issu, l'association a envoyé une note de synthèse des échanges avec la rapporteure, la députée Galliard-Minier. Elle intègre une réponse détaillée à l'ensemble des questions abordées. Et avance 5 recommandations. 

Culture Papier, laboratoire d’idées créé en 2010 met au cœur de son action la promotion des valeurs sociétales, culturelles et environnementales du papier et l’imprimé, indispensables pour une économie circulaire, biosourcée et bas carbone.  Cet engagement pour l’avenir du papier s’appuie : d’une part, sur les performances environnementales de son écosystème, de la production au recyclage, évaluées par ACV, et d’autre part, sur sa pertinence sociétale pour réduire nos addictions aux énergies fossiles, au plastique invasif et au numérique intrusif.

I – Notre première conviction : L’efficacité du recyclage est un enjeu sociétal, tant pour valoriser une ressource végétale que pour la substituer aux énergies fossiles.

Tout est bon dans un tronc

1.1 Tout est bon dans le bois, un bien commun valorisé et bien recyclé

Le recours au bois comme “quasi-systématique” pour le bâtiment en 2030, annoncé pour la RE2020 est un bon signe pour la reconnaissance et le développement de la filière Bois trop souvent stigmatisé.

De la nouvelle réglementation environnementale (RE2020 pour les intimes des arcanes administratives) pour les maisons et logements neufs, Culture Papier retient et soutient qu’ « au nom de l’impact carbone sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment », la REP2020 va largement favoriser la construction bois, le bois énergie et les matériaux d’origine végétale. « Nécessairement, plus les exigences (en impact carbone) seront fortes, plus l’usage du bois et des autres matériaux biosourcés sera systématisé, précise Emmanuelle Wargon la ministre du Logement au cours de la conférence de presse du 24 novembre 2020,. A l’horizon 2030, nous souhaitons que ces usages soient quasi généralisés pour les logements individuels et pour le petit collectif ». Passons aux actes.

Si le bois est l’avenir de la construction, ses déchets (copeaux, résidus, sciure, …) sont la matière première du papier. La fabrication du papier contribue au meilleur rendement de l’économie circulaire du bois.

Culture Papier veut croire à l’avenir du papier dans cette valorisation de toute matière d’origine végétale, et de ce qui contribue à une économie circulaire bas carbone surtout si elle est portée par des initiatives gouvernementales en faveur du développement d’une production nationale de bois de construction et de la valorisation de l’ensemble de ses usages et innovations.

Car tout est bon dans le bois. Le recyclage commence dès la collecte de bois : l’industrie papetière n’en utilise environ que 15% principalement les déchets de la filière à l’exclusion de toute essence dite « noble » (chênes, hêtres, etc.).

Coté économique, écorces, délignures et sciures vendus aux papetiers représentent 10% en moyenne du CA des scieries françaises, un complément déterminant pour leur rentabilité.

L’impact des importations de bois et l’usage de monocultures comme l’eucalyptus doivent être mis en perspective.

  • La pâte de cellulose provenant du Brésil représente à peine 5 % du total des réceptions de l’industrie papetière française. Ces réceptions, en 2019 , représentent 549 000 t (soit 33 % des importations de pâte). Il n’y a pas d’importations de bois provenant du Brésil, ni de forêts primaires. Cette industrie n’est pas une cause de déforestation, majoritairement liée à l’élevage et la production agricole de matières céréalières. La pâte est très majoritairement de la pâte d’eucalyptus, issus de plantations mixtes et certifiée PEFC ou FSC,
  • L’Europe produisait en 2019, 38 millions de tonnes de pâte dont 11,5 % en provenance du Portugal + Espagne pour ce qui concerne la pâte d’eucalyptus. A cela il faut toutefois ajouter 6,6 millions de tonnes d’import (à 95% en provenance d’Am. Sud) toujours en Eucalyptus,
  • La critique systématique de l’eucalyptus balaye le bilan environnemental de plantations à considérer au cas par cas, (voir la fiche de synthèse de l’Institut technologie FCBA). Cette synthèse cite à juste titre une initiative soutenue par WWF, qui a mis en place un programme de promotion des plantations forestières, ceci afin de réduire l’impact des êtres humains sur l’environnement. L’objectif est que les besoins en bois de l’humanité doivent être couverts pour une large partie par des plantations installées sur des sols à faible valeur agronomique.
  • L’industrie papetière forme un écosystème performant d’économie circulaire 

 

Le recyclage, valorisation essentielle d’une ressource naturelle renouvelable entre 6 à 7 fois constitue une dynamique responsable de toute la filière Bois et Papier pour une économie décarbonée.

Forte solidarité entre le coût d’impression en fonction des volumes totaux imprimés Source Etude EY pour Culture Papier 2019

La filière Bois et Papier graphique est soudée par une forte interdépendance industrielle, et économique de l’ensemble des acteurs.

Par exemple, une remise en cause de façon brutale de la volumétrie du prospectus, à la fois ressource importante pour la filière imprimerie et pour la filière recyclage déstabiliserait la chaîne économique et l’efficience du modèle d’économie circulaire portée par le papier recyclé, avec comme principale conséquence, l’effondrement des gisements et une hausse des coûts du papier de la presse quotidienne. (source Etude EY pour Culture Papier, 2019)

Recommandation 1 – Tenir compte de la classification des différentes qualités de papiers en fonction de leurs productions et usages.

Les qualités de papiers et cartons à recycler sont définies dans une norme établie en 2004 en Europe (démarche unique à l’époque) qui comporte près de 70 « sortes » définies en fonction de leur composition (proportion de papier, carton, emballages, de fibre vierge ou déjà recyclée etc.), des limites tolérées en autres éléments et la teneur limite en éléments indésirables (plastiques mal triés etc.). Cette norme indique également les éléments prohibés, c’est-à-dire qui représentent un danger pour la santé, la sécurité et l’environnement.

En fonction de la « sorte » recherchée par un producteur de papier, le prix des différentes qualités de vieux papiers à recycler sont variables. Ils varient également dans le temps en fonction de l’offre et de la demande. Parmi les sortes les plus courantes, on peut citer

  • La sorte 1.02 (Papier Cartons Mêlés) à un prix est relativement faible. Sa qualité basse fait qu’elle est moins demandée en cas d’excédent sur le marché (à la suite de la fermeture très radicale des frontières des pays asiatiques)
  • Les sortes 1.04 (Papier pour Ondulé pour emballage) & 1.05 (Cartons ondulés ordinaires) proviennent de déchets d’entreprises ou de déchetteries, une qualité plus recherchée que la précédente pour produire de l’emballage,
  • Les sortes 1.10 (Journaux et Magazines Mélangés) & 1.11 (papiers graphiques triés pour désencrage) composée de vieux journaux et magazines et autres imprimés provenant de la collecte sélective des ménages, utilisée pour produire du papier recyclé. Son prix a baissé après la fermeture du site d’UPM, car elle se trouvait en excédent sur le marché.
  • Les sortes 2.05 (vieux papiers de bureau triés et triés ordinaire) et 3.17 (rognures blanches de papier non imprimé). Ces qualités dites « supérieures » sont très demandées pour produire du papier bureautique recyclé, des produits d’hygiène recyclés, ou certains emballages. Cette forte demande explique des prix très élevés (jusqu’à 500€/tonne selon les périodes) qui sont la preuve qu’il n’y a pas lieu de forcer à l’utilisation de recyclé dans ces produits, puisque les vieux papiers qui sont nécessaires à leur production sont déjà les plus valorisés.

Attention à la difficulté de comparer les performances environnementales de la production de papier vierge avec celle de papier recyclé 

      • Ne pas opposer les deux types de papier. Le vierge et le recyclé ont chacun des indicateurs environnementaux plus ou moins performants (eau, énergie, …) Il faut éviter de choisir un indicateur isolément parce qu’il servirait la perception favorable de l’un ou de l’autre.
      • L’eau n’est pas « consommée » pour environ 95%. Elle est réutilisée en boucle et passe par des stations d’épuration. Avec une réduction de la « consommation » d’eau théorique depuis les dernières années.
      • Conçues pour un type donné d’approvisionnement ou de production, les performances spécifiques des usines rendent les comparaisons inappropriées. Par exemple, pour le carton PPO (Papier Pour Ondulé), le procédé en France est presqu’exclusivement basé sur du recyclage : le vierge représente un nombre de sites trop faible, et/ou correspond à des productions de PPO ayant un autre usage que le recyclé.
      • De telles comparaisons appellent des analyses de cycle de vie, prenant en compte tous les aspects de production, de consommation et d’élimination du produit, ce qui dépasse les frontières du simple procédé de fabrication par l’usine papetière.

Recommandation 2 : Améliorer la qualité de la collecte et du tri des papiers, rendus difficiles par des approches locales, s’appuyer une réglementation nationale unifiée (au cœur de la mission de CITEO), ce qui permet de consolider des infrastructures industrielles rentables

La hausse des « contaminants » (près de 50% en 10 ans) dans la composition des balles de papiers issues des centres tris alourdissent l’exploitation et réduisent les possibilités de réutilisation hors du papier journal (source Golbey Norske Skog 2020)

  • Intégrer le potentiel de marges d’amélioration de la collecte sélective ménagère et assimilée: le taux de recyclage de 58 % pour les papiers graphiques ménagers et assimilés, reste encore faible au regard des 79 % des papiers et cartons (PCR) recyclés par les industriels,
  • Maintenir les soutiens versés par CITEO pour favoriser la qualité (du tri et des papiers) par les centres de tri des collectivités locales, permettant produire un papier recyclé de qualité, notamment pour les ramettes (quasi impossible en France aux conditions de qualité actuelles), et de réduire une surproduction de qualités « mélangées », qui ne sont pas souhaitées par les papetiers et qui ne trouvent pas preneurs, sauf à développer de nouveaux débouchés industriels comme la construction.
  • Favoriser la proximité en incitant les producteurs et détenteurs de déchets à s’assurer d’un recyclage final le plus proche possible, notamment dans le cadre des filières à responsabilité élargie du producteur (REP),
  • Participer à la consolidation en faveur d’une filière économique et des emplois non délocalisables, notamment avec une structure d’emplois d’insertion importante partout en France, en milieu rural et urbain, pour collecter, trier et alimenter les sites de recyclage, mais aussi pour distribuer les imprimés publicitaires,
  • Favoriser la dégressivité de la TGAP appliquée aux résidus de tri et de recyclage jusqu’à être supprimée au niveau de l’étape finale de recyclage.

Recommandation 3 : Eviter les distorsions économiques avec le papier 100% recyclé

Attention à la fausse bonne idée de forcer une production de ramettes en papier recyclé

Les sortes de vieux papiers nécessaires à produire du papier bureautique recyclé sont déjà très demandées par divers secteurs et atteignent des prix très élevés. Une incitation artificielle (obligation dans les commandes publiques) accélérait une hausse des prix, faute de qualité de recyclé adéquate. Dans un marché en déclin, cette stimulation conduirait à importer du papier recyclé produit en Allemagne (avec une énergie beaucoup plus carbonée), aux dépens des producteurs français ayant une production de ramette vierge vertueuse.

De plus, les sites français existants produisent essentiellement des qualités vierges, en utilisant des sous-produits de la menuiserie ou de la sylviculture avec un excellent bilan carbone.

La loi impose déjà une utilisation de l’IP en papier recyclé.

  • La loi AGEC publiée il y a moins d’un an a introduit à son article 48 l’obligation pour « les prospectus publicitaires et catalogues visant à faire de la promotion commerciale à l’attention des consommateurs [d’être] imprimés sur du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement.»
  • La production de papier étant une industrie lourde, il serait utile de ne pas modifier le cadre législatif à nouveau sans prendre le risque de déstabiliser les acteurs industriels avec des signaux réglementaires ou législatifs contradictoires.
  • Les annonceurs comme les prescripteurs ont déjà bien intégré leurs responsabilités depuis de nombreuses années ; plus de 50% de l’IP est produit en recyclé, et la tendance devrait s’accélérer avec les transferts de qualités et la réduction du grammage. La stigmatisation de la publicité sur papier (IP, catalogue et presse) accélère les transferts sur le digital qui est loin de respecter les mêmes contraintes environnementales, comme le souligne l’ACV de Quantis mandaté par La Poste/MEDIAPOST.
  • Analyser le « système d’éco-modulation» (Bonus/Malus) soumis au metteur sur le marché dans le cadre de la REP (Citéo), au regard des distorsions qu’ils induisent ou créent. Si l’usage d’un bonus encourageant l’usage de fibre recyclée peut être incitatif,  il n’induit pas qu’il soit pour autant favorable à l’environnement. Des bonus indifférenciés sans ACV apparaissent souvent inappropriés.
II- Notre seconde conviction : Favoriser la pédagogie et l’incitatif pour réhabiliter le papier et l’imprimé comme « biens de première nécessité » pour une économie décarbonée.

Recommandation 4 – Corriger la distorsion de discours et de réglementation au détriment d’une matière végétale.      

  • Trop de Lois, tuent la Loi. Depuis des décennies, le papier fait l’objet de stigmatisation alors que c’est une matière végétale renouvelable, sous-déchet du bois. Il faut au contraire renforcer sa complémentarité et la substitution au digital et au plastique,
  • L’usage du « papier 100% recyclé » dans l’imprimerie n’est pas l’unique solution en dehors du papier journal puisqu’il ne convient pas à tous les usages compte tenu des contraintes industrielles (mécaniques), sanitaires (contact alimentaire) et marketing (qualité pour satisfaire aux exigences des annonceurs et des lecteurs); le papier vierge doit rester un débouché pour la filière papier,
  • L’excédent sur les sortes de papiers graphiques issues de la collecte sélective municipale est une situation cyclique liée à l’évolution des capacités de production/recyclage de papier journal,
  • C’ est un enjeu économique, culturel et sociétal que d’encourager la sobriété de ressources non renouvelables ou peu recyclable. Elle doit aussi s’imposer au plastique et au numérique : « la croissance désormais « insoutenable » de nos systèmes numériques +9 % d’énergie consommée par an, « est responsable de 4 % des émissions de carbone en 2019 et pourrait atteindre 8 % d’ici à 2025 selon les modèles, insiste The Shift Project.

Recommandation 5 : Favoriser les matériaux biosourcés en cessant de privilégier et de soutenir les matériaux issus de matières fossiles.

C’est un enjeu industriel et environnemental que de veiller à ce que les projets accompagnés pour développer des débouchés alternatifs, comme l’isolation, répondent à des critères d’adéquation en termes de besoin, de localisation et de qualité,

De manière à ce que ces projets :

  • ne soient pas dépendants d’approvisionnements périodiquement en déficit et structurellement en déclin,
  • soient localisés dans des zones géographiques où les collectivités sont les plus soumises au risque d’excédent, dans une logique de proximité,
  • aient recours à des qualités de papiers triés effectivement excédentaires, issues de la collecte sélective municipale.
En guise d’ouverture

Les perceptions et attentes sociétales évoluent, à la Loi d’en tenir compte pour désigner comme biens de première nécessité pour une économie circulaire décarbonée, les matériaux « biosourcés », le bois et son sous-produit le papier.

  • Faire confiance à la filière bois pour produire, diversifier ses dérivés de façon responsable en substitution des matériaux fossiles,
  • Faire confiance à la filière graphique, à la fois culture, industrie, média et matière du futur,
  • Faire confiance à la force du papier et de l’imprimé, pour leurs qualités et leurs responsabilités culturelles, économiques et environnementales et pour incarner l’expression intime d’une liberté déconnectée.

[1] L’association représente l’ensemble des acteurs de la filière graphique avec une gouvernance collégiale interprofessionnelle, ses 50 membres sont répartis en 8 collèges, de la filière bois au recyclage.  Sa vocation est de promouvoir les valeurs du bois, du papier et de l’imprimé sur le territoire français, de faire connaître leurs nécessités sociétales, culturelles et environnementales, en valorisant – à travers études et rencontres – les usages les plus pertinentes pour les citoyens et des réglementations les plus efficaces pour une matière d’origine végétale.


Continuer la lecture