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#Lepapieraufutur Serge Barbet, CLEMI

18.03.2020
Serge Barbet est le directeur délégué du CLEMI. Le Centre pour l’Éducation aux Médias et à l’Information a été créé en 1983 sous tutelle de l’Éducation Nationale, de par la volonté d’universitaires, d’enseignants et de journalistes spécialisés dans les questions d’éducation et convaincus que l’esprit critique devait s’apprendre à l’école.

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L’esprit critique doit s’apprendre à l’école.

 

Le CLEMI a trois missions :

  • C’est un centre de formation des enseignants, du premier et du second degré à l’éducation aux médias et à l’information. Le CLEMI forme plus de 25.000 enseignants par an. Il dispose d’un réseau de coordonnateurs académiques placés sous autorité des recteurs et des rectrices.
  • Il produit ou coproduit des ressources pédagogiques pour accompagner les enseignants dans leurs pratiques de classes : brochures, ressources numériques, jeux éducatifs.
  • Il organise un certain nombre d’actions éducatives dont la plus connue s’appelle « La semaine de la presse et des médias dans l’école » qui a fêté sa trentième édition en 2019. Elle mobilise chaque année quelques 4 millions d’élèves, 230.000 enseignants dans 20.000 établissements sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultra marin et tend à s’internationaliser avec le lancement en 2019 d’une semaine européenne, « European media literacy week ».

L’éducation aux médias et à l’information fait désormais partie intégrante du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, et irrigue toutes les disciplines, avec une place de plus en plus prégnante dans les programmes d’enseignement moral et civique.

 

Informer doit s’apprendre à l’heure de l’« infobésité » où les contenus multidiffusés sur nos écrans entrent en concurrence les uns avec les autres et où il devient de plus   en plus difficile de trier le vrai du faux, les informations fiables des infox et des théories du complot.

Les programmes du Lycée viennent d’être rénovés et sont totalement imprégnés de cette urgence à éduquer les jeunes générations au monde des médias et de l’information. Pour deux raisons : la première est liée à l’éducation citoyenne. Nous sommes dans le domaine des humanités, du Français, de la philosophie, dans des pratiques pluridisciplinaires pour renforcer ce sens critique des élèves face à tous types de contenus qui leur parviennent aujourd’hui. La seconde vise un volet scientifique important ; nous sommes aujourd’hui dans une société codée et il faut apprendre à décoder, à maitriser l’outil numérique.

 

La semaine de la presse et des médias dans l’école : mode d’emploi.

Plus d’un million d’exemplaires de journaux et de magazines acheminés chaque année dans nos établissements scolaires grâce à un partenariat entre les éditeurs de presse et le CLEMI. Grâce aussi à un partenariat avec le groupe La Poste qui, depuis plus de 20 ans, nous permet d’acheminer ce million d’exemplaires dans nos établissements. Les éditeurs déposent leur offre de titres sur une plateforme, les enseignants font leur sélection qui leur est ensuite livrée sous forme de colis-presse dans leurs établissements. A partir de ces supports les enseignants sont libres de mener avec leurs élèves les pratiques qu’ils souhaitent, comme installer un kiosque dans leur classe ou dans le CDI, réaliser avec les enfants un travail de comparaison du traitement de l’information d’un média à l’autre, comparer des Unes de presse, etc. Cela reste l’action de l’Éducation Nationale la plus importante en nombre de participants. Le CLEMI réalise chaque année une enquête auprès de plus de 3.000 enseignants sur les 230.000 qui participent à la « semaine » : Les trois-quarts déclarent réaliser des projets pédagogiques sur une moyenne supérieure à trois semaines et suivre le thème proposé par le CLEMI, celui de cette année étant « L’information sans frontières ? »

 

Une « semaine » dupliquée au Québec

Une première semaine de la presse et des médias a été lancée en 2019 à Montréal. Cette initiative émanait de la Fédération Professionnelle des Journalistes du Québec. Elle comporte deux volets : un volet jeune public à l’école ; un second en direction du grand public, toutes générations confondues. Les études montrent qu’en termes de pratiques informationnelles, les adultes ne sont pas plus vertueux que les jeunes générations, voire pire si l’on s’appuie sur les études faites pour la campagne présidentielle aux États-Unis de 2016. Les adultes ont tendance à partager plus facilement des fakes-news ou des informations non vérifiées sur les réseaux sociaux. La Commission Européenne a également demandé en 2019 aux états membres de l’Union de prendre l’initiative d’une Semaine de la Presse et des Médias en direction des deux publics et je crois que nous avons là une opportunité de travailler en coopération internationale pour une citoyenneté européenne commune.

 

La France pionnière

Il y a des consortiums aujourd’hui qui se sont organisés au niveau médiatique pour effectivement travailler ensemble à résoudre les problèmes des fausses nouvelles, et nous sommes en train de travailler de plus en plus entre acteurs de l’enseignement et des médias pour échanger les bonnes pratiques, les bonnes ressources d’un point à l’autre de la planète.

 

Le CLEMI est une spécificité française dont la création en 1983 a ouvert des perspectives dans d’autres régions du monde.

Dans d’autres pays des structures sont rattachées à des universités, à des centres de recherche, très peu sont directement ancrées dans des systèmes scolaires. Depuis quelques années et encore plus depuis les attentats de 2015, nous avons une mobilisation des acteurs de la presse et des médias d’une ampleur inédite, qui témoignent de leur volonté d’affirmer plus fortement leur responsabilité sociale en matière d’éducation.

Notre rôle n’est pas simplement d’être une passerelle entre les médias et l’école, mais aussi de proposer une éducation critique à la lecture des médias, dont l’objectif est d’amener à une distanciation par la prise de conscience des fonctionnements des médias, de leurs contenus ainsi que des systèmes dans lesquels ils sont ancrés.

 

L’information du jeune public.

Les jeunes s’informent très majoritairement via les plateformes numériques et les réseaux sociaux. Très peu accèdent aux sites d’informations de société qui sont éditrices de presse avec un travail de journalistes à la clé.

 

Cette mise en concurrence des contenus est une vraie problématique que nous percevons auprès des jeunes générations, qui ont le plus grand mal à différencier un article de presse d’un article à finalité commerciale ou d’un contenu non vérifié.

Il y a donc urgence à renforcer cette éducation aux médias et à l’information dont nous mesurons les effets bénéfiques et pérennes sur les comportements informationnels des jeunes. Une enquête du ministère de la culture réalisée en 2018 montre par exemple que 65% des jeunes ayant bénéficié de cet enseignement vérifient souvent les informations auxquelles ils accèdent, contre 42% pour les autres. La partie n’est donc pas finie, elle n’est pas perdue, mais c’est un travail de longue haleine, et c’est le rôle de l’Éducation Nationale de le mener pour éviter les disparités, les inégalités dans le public. C’est un enjeu démocratique majeur. Si demain nous ne sommes pas en capacité de nous mettre d’accord dans nos sociétés sur le sens commun des choses, nous courrons au-devant de graves problèmes ; et nous le voyons dans certains processus démocratiques, les difficultés sont réelles aujourd’hui.


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