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Écosystème #Interview

Le match papier/numérique n’a pas lieu d’être, pour Julie Delmas-Orgelet, consultante ACV et numérique responsable DDemain

10.02.2021
Avec sa société ddemain.com, Julie Delmas-Orgelet accompagne les entreprises et institutions dans leur projet d’écoconception et de sobriété numérique. Elle a également été la référente numérique sur l’ACV de Quantis Mandatée par La Poste-MEDIAPOST et plaide pour ne pas opposer le papier et le numérique.

En quoi consiste l’activité de DDemain ?

DDemain propose des expertises pour trouver des solutions alternatives de réductions des impacts environnementaux du numérique avec l’idée de rester dans l’objectivité. Je ne prône pas une société 100% numérique mais l’utilisation du numérique à bon escient, là où il est utile et facilitant, ce qui n’est pas toujours le cas.

Le jeu de cartes pour sensibiliser aux écogestes

Je pose un regard critique et objectif sur ces technologies et procure des activités de conseil aux entreprises, aux institutions comme l’ADEME, aux partis politiques, aux ONG… par des analyses du cycle de vie (ACV), l’écoconception et des activités de sensibilisation vers le grand public notamment via l’animation de journées de sensibilisation sur les enjeux de l’impact du numérique via un jeu de cartes Econ(u)m pour découvrir les écogestes et les mettre en œuvre.

Le numérique est un outil formidable mais assez délétère

Comment voyez-vous la place du papier dans cet univers ?

Le papier a un rôle, comme tout autre alternative au numérique. Je ne recommande pas d’exclure le papier. Personnellement j’utilise énormément de papier, je ne lis pas de publications longues sur un écran. Nous sommes actuellement dans un monde de polarisation où il faut prendre position pour ou contre quelque chose. Je ne m’inscris pas dans cette démarche. Cela dépend des usages et des besoins. C’est ce que promeuvent les démarches d’éco-conception : à quel besoin doit-on répondre dans un contexte donné ? Il peut avoir l’outil numérique mais aussi l’outil papier.

Vous avez participé dans sa partie numérique la revue critique de l’analyse du cycle de vie de l’ACV de Quantis mandatée par La Poste, quel a été votre rôle ?

Résultats de l’ACV sur le scénario Promotion d’une chaîne de distribution Comparatif 16 critères papier numérique
Le papier optimise 15 indicateurs sur 16 © Quantis La Poste

J’ai apporté mes connaissances pour consolider les données sur le numérique et pondérer les résultats, pour ne pas au final aboutir sur une communication binaire, ce que malheureusement nous voyons dans les articles dans la presse suite à cette étude. Dire que le papier est meilleur sur tant d’indicateurs est typiquement ce qu’il ne faut pas faire avec une AVC.

Il n’y a pas de gagnant à ce match mais une solution plus intéressante que l’autre dans des cas bien précis. Il faut regarder ces modes de communication du point de vue du besoin, et ensuite proposer la solution papier ou numérique en fonction des usages. De jouer la complémentarité plutôt que l’opposition.

Dans certaines circonstances que nous avons définies, le papier est meilleur avec des taux de redondances, mais cela peut être dû à des taux d’envois de mails mal ciblés. Si on optimisait l’usage du numérique, nous n’aurions potentiellement pas les mêmes résultats.

Ces résultats vous ont-ils surpris ?

Non car je pense que nous utilisons extrêmement mal le numérique. Encore une fois, l’idée n’est pas de les opposer mais d’optimiser l’un et l’autre et jouer la complémentarité avec des usages adaptés. À titre d’exemple, le livre une fois imprimé va être lu, il peut être prêté, donné, il n’a aucune consommation en phase d’usage. Le livre papier est donc bien plus vertueux. D’autres sujets demandent des études plus poussées : au sujet de la feuille de paie j’aimerais faire une étude effective sur sa dématérialisation et la version papier. Les résultats seraient sans doute du même ordre que l’étude réalisée par La Poste. Si on passe sur une feuille de paie dématérialisée et que les personnes impriment leur feuille de paie à leur domicile parce que c’est dans leurs habitudes ou qu’on leur demande régulièrement, et qu’ils achètent une imprimante pour l’imprimer, tous les avantages de la dématérialisation sont perdus ! C’est le fameux effet indirect, l’effet rebond de cette numérisation : nous n’avons jamais consommé autant de papier. Il y a des usages où le papier sera plus vertueux de par sa passivité, son aspect renouvelable, le fait qu’on peut le transmettre. A l’inverse, il y a des situations où le numérique sera plus intéressant de par la petite taille des messages envoyés, la facilité de communication…

Mais le papier est meilleur et le restera sur l’occupation des sols ou l’épuisement des ressources des terres rares,
dans ce domaine, le numérique est perdant.

Existe-il des données sur la presse ?

Je n’ai pas fait d’études sur la presse, il en existe quelques-unes assez incomplètes avec des taux de lectures faibles. Il n’en existe pas qui prennent en compte à la fois le support de lecture, le réseau et ce qui se passe dans le data center, comparé à un support papier. Ce serait très intéressant d’avoir un référentiel qui permette de comparer la presse papier et la presse internet et d’intégrer la partie usage, ce fameux effet indirect qui peut être à la faveur du papier parce qu’un magazine est souvent lu par plusieurs personnes, plusieurs fois. Mais je n’ai pas la réponse, cela va dépendre aussi si le support numérique a été éco-conçu, avec beaucoup de publicité, avec des micro traiding de l’attention. La publicité peut avoir un gros impact aussi bien que le support papier que numérique en fonction du nombre de pages dévolues ; étudier le service dans sa globalité avec le transfert sur le réseau, l’impact de la publicité en ligne, l’impact sur le data center…  Une fois le journal papier acheté, il ne consomme plus rien jusqu’à son recyclage alors que quand vous lisez un article en ligne, ce n’est pas la même chose. Mais dans le même temps, les personnes abonnées à des revues qui ne les lisent vont consommer pour rien du papier pas alors que sur internet si l’article n’est pas lu, cela ne change rien, d’où la difficulté de donner une réponse binaire.

Quels conseils donneriez-vous pour bien utiliser internet ?

Il faut connaître ses besoins, réguler son usage avec sobriété, couper ce qui est publicité et cookies. Se donner des plages d’utilisation, réduire les flux, utiliser les modes hors connexion.

Et avant tout, se poser la question du renouvellement de l’équipement il est inutile d’acheter une liseuse parce que je lis trois livres par an.

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