Vous avez co-signé l’amendement déposé par le député Guillaume Kasbarian demandant la suppression de l’article 9 de la Loi Climat et Résilience. Quelles raisons motivent cette démarche ?
Il y en a plusieurs : en premier lieu la loi AGEC, seulement en vigueur en janvier, a renforcé les sanctions contre le non-respect du stop pub et l’obligation d’utiliser du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement pour 2023. Et je ne suis jamais favorable au fait de voter une loi et de la défaire quelques mois après. Attendons d’avoir du recul sur sa mise en place.
Sophie Beaudouin-Hubière, députée de la Haute-Vienne
De plus, un certain nombre de nos concitoyens se sert de cette publicité déposée en boîtes aux lettres, en utilisant les coupons de réductions pour optimiser leur pouvoir d’achat.
Certains sont dans un extrémisme vert qui m’effraie car ils ne réfléchissent pas aux conséquences, aussi bien en termes d’emplois que pour l’environnement. Nous devons penser développement durable et responsable et non écologie dogmatique. Car cela ne supprimera pas la publicité, elle sera reportée sur les GAFA. Qu’on ne vienne pas me dise que c’est écologiquement plus responsable ! Alors qu’actuellement, si vous ne voulez pas d’imprimés publicitaires, vous avez la possibilité de mettre un Stop Pub sur votre boîte aux lettres. Mais obliger demain quelqu’un à mettre un Oui-Pub sera stigmatisant alors que ces personnes en ont besoin financièrement.
Dans votre circonscription, avez-vous beaucoup d’administrés qui pourraient être impactés par le passage au « Oui Pub » ?
La filière papier représente un nombre d’emplois non négligeables qui va des forestiers jusqu’à la personne, souvent retraitée, étudiante ou au RSA, qui distribue les prospectus.
La papeterie Saica Paper Papeteries (ex.Emin Leydier) est présente sur ma circonscription et sur celle de mon collègue en Haute-Vienne, IP et Smurfit Kappa, sans compter un certain nombre d’imprimeurs, La Poste.
Le papier garde pour beaucoup de personnes une image négative vis-à-vis de l’environnement par rapport au digital alors qu’il est désormais démontré que le numérique est très énergivore. Pensez-vous que les mentalités changent ?
Hélas je crains que non. Ceux qui nous abrutissent avec leurs discours très dogmatiques sur le plan écologique utilisent leurs téléphones et les recherches Google en permanence dont on sait qu’elles sont énergivores. Déjà avoir un smartphone est une hérésie quand on est un écolo pur et dur ! Je suis assez inquiète de la société que certains écologiques veulent nous imposer. Pour ma part, j’estime être une écologique raisonnée.
Nous devons nous employer à faire comprendre que le papier est plus respectueux pour la planète que le numérique
et que certaines choses ne disparaitront pas.
L’État, avec une volonté de tout dématérialiser, a-t-il vraiment pris en compte cette frange de la population (environ 17%) qui est frappé d’illectronisme ?
Il faut reconnaître que la dématérialisation simplifie la vie à une grande partie de nos concitoyens et fait gagner de l’argent public.
En revanche, on ne doit pas faire de la dématérialisation la règle absolue. Je suis sur un territoire où il existe de l’illectronisme mais aussi des zones blanches et la fracture numérique. Nous avons mis en place des moyens de contournements avec notamment les maisons France Services, et l’on peut continuer à échanger avec l’administration par voie postale.
Quel est votre rapport personnel au papier ?
Je lis énormément – un peu moins depuis que je suis députée. Je m’étais fait offrir une liseuse ce qui est pratique pour les vacances mais je me rends compte que je préfère lire sur papier. Quand je lis sur papier un roman, je suis plus capté que sur ma liseuse. Mes enfants aussi lisent sur papier. De même j’aime écrire à la main. Il y a une sensation et je pose mieux mes idées sur papier. J’ai des carnets de toutes mes auditions, c’est un réflexe. Alors que j’ai un abonnement numérique au Populaire du Centre, je vais régulièrement acheter la version papier que je trouve plus facile à lire et à se repérer.
À titre personnel, pour ma carte de vœux d’élue, je passe par le Moulin du Got, cette année je me suis fait faire mon papier recyclé. Il y a la sensation d’un artisanat qui s’accompagne d’un côté émotionnel.
Propos recueillis le 16 avril 2021
