Accueil>Nos actions>Le Blog #Lepapieraufutur>Préservons l’avenir des bouquinistes, le cri d’alarme de Catherine Dumas, sénatrice de Paris
Culture #Interview

Préservons l’avenir des bouquinistes, le cri d’alarme de Catherine Dumas, sénatrice de Paris

06.07.2020
Sénatrice de Paris, Vice-présidente de la commission de la Culture, Éducation et Communication Catherine Dumas est toujours très engagée pour la protection du patrimoine. Elle a récemment attiré l’attention du ministre de la culture, sur la situation préoccupante des bouquinistes des quais de Seine à Paris. Implantés depuis plusieurs siècles, ces libraires à ciel ouvert, devenues le symbole du Paris historique, et une attraction touristique et culturelle méritent selon elle un plan de sauvegarde.

Catherine Dumas, Sénatrice de Paris

Le papier a t-il compté dans votre confinement et comment ?

Le stress de la situation, la nécessité de se tenir informés de l’actualité en permanence, nous ont d’abord inévitablement tournés vers les écrans de nos téléphones, de nos ordinateurs et de nos télévisions. Puis, petit à petit, l’overdose télévisuelle a commencé à faire son effet, la lecture est apparue pour beaucoup comme le moyen de s’évader de la réalité angoissante du quotidien, elle est devenue un véritable antidote au confinement. Le problème, c’est que beaucoup de librairies avaient baissé le rideau, leurs clients ne pouvant plus sortir de chez eux sans raison valable, ni à plus d’un kilomètre ! Il a donc fallu se rabattre sur nos bibliothèques personnelles… Occasion formidable de réaliser l’importance plus ou moins élevée des livres non lus ou abandonnés ou de se replonger dans la lecture de grands classiques. J’ai d’ailleurs lu dans la presse que La peste d’Albert Camus s’était imposée comme le phénomène littéraire francophone de l’épidémie ! Sans doute le besoin d’éclairer un peu le réel !

Vous avez interpellé le ministre de la Culture Franck Riester au sujet des bouquinistes en grande difficulté, quelles sont vos préconisations ? 

Bouquinistes sur seine © wikipédia

En effet, j’ai interpellé le Ministre de la Culture sur la situation préoccupante des bouquinistes des quais de Seine à Paris. Implantés depuis plusieurs siècles, ces férus de littérature et de beaux ouvrages sont devenus le symbole du Paris historique, constituant une animation touristique, une attraction culturelle, un patrimoine littéraire et artistique qu’il nous faut préserver. J’ai également rappelé au Ministre qu’à l’initiative de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris, laquelle regroupe près de 80% des bouquinistes, et des maires des 5e & 6e arrondissements, Florence Berthout et Jean-Pierre Lecoq, les bouquinistes étaient entrés en février 2019 au patrimoine culturel immatériel français, premier pas vers la reconnaissance au patrimoine mondial de l’Unesco. Il me paraissait donc important que le Ministère envisage un plan de sauvegarde pour préserver ces libraires à ciel ouvert, victimes des conséquences de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, après avoir déjà soufferts des conséquences des manifestations des gilets -jaunes et des grèves des transports cet hiver. Le ministre s’est montré coopératif et très attentif à l’avenir des bouquinistes. Il m’a indiqué que 25 millions d’euros du Plan de Sauvegarde 2020 pour le secteur du livre seraient gérés par le Centre National du livre (CNL) pour accompagner les librairies en difficulté. Il a précisé qu’il s’assurerait que lors des discussions avec la Ville de Paris et le CNL, une partie des moyens alloués puisse être fléchée vers les bouquinistes.

Nouveau Kiosque Paris Place Pereire © OLG

Comment voyez-vous l’avenir du papier ? Des livres mais aussi de la presse avec la crise de Presstalis ? 

Presstalis est le principal distributeur de la presse en France. L’avenir économique de cette société est toujours à l’étude au Tribunal de Commerce de Paris. Il est très incertain… En attendant le délibéré, les quotidiens nationaux ne sont que partiellement ou pas du tout distribués sur tout le territoire national, ce qui pose préjudice aux kiosquiers et aux journaux. Des plans de secours sont mis en place par certains éditeurs, mais c’est compliqué ! La crise sanitaire et les difficultés du distributeur pourraient entraîner des pertes financières considérables pour nombre de titres importants (L’Equipe, Le Monde, Paris Turf, ou Le Parisien notamment) et accélérer ainsi le déclin du papier dans les décisions de leurs actionnaires… Il faudra donc être vigilants !

Qu’est ce que le papier apporte à une communication municipale mais aussi pendant les campagnes électorales aux citoyens, par rapport au numérique ?

Même si la communication numérique gagne du terrain, via internet et les réseaux sociaux, il reste encore une communication politique de proximité qui s’appuie notamment sur la remise d’un support papier. Ainsi, la visibilité de votre action municipale est considérablement améliorée si vous éditez, deux ou trois fois par an, un journal de la ville ou de l’arrondissement si vous êtes à Paris. Il en est de même en campagne électorale. Comment concevoir les actions de terrain, lorsque vous allez au-devant des électeurs sur le marché ou aux sorties des métros, si vous n’avez pas de document papier à leur remettre ? Le tract distribué sur papier fait ainsi office de mise en relation, de présentation et de communication sur la durée puisque la personne repart avec. Des atouts importants pour la communication politique qui viennent compléter, je me permets de vous le rappeler, l’affichage (papier) sur les panneaux électoraux officiels situés devant les bureaux de vote.

Dans cette disruption sociétale accélérée, quelle est votre proposition pour que le papier ait sa place dans le « capitalisme numérique » ?

Alors qu’il a été pendant longtemps un support de communication massif, de vulgarisation de l’information par une diffusion au plus grand nombre (presse, publicité, livres de poche,…), le papier ne pourra pas rivaliser longtemps sur ce terrain avec le numérique, ni en coût, ni en diffusion virale massive.

A l’inverse, une piste qui me semble intéressante à étudier pour le papier réside dans la nécessité de se distinguer de la communication ambiante et donc numérique, de sortir du lot, d’interpeller, en offrant un support différent, tactile et qualitatif.

C’est un phénomène qu’on observe déjà dans l’industrie du disque. Le numérique se copie facilement, il a fait perdre une grande partie de sa valeur à la création musicale… Alors, pour se distinguer, beaucoup de groupes et de chanteurs établis en reviennent maintenant à faire leur promotion en présentant le bon vieux vinyle, avec sa galette noire (si vous voulez faire vintage) et surtout une belle pochette cartonnée support de communication pour l’artiste et de légitimité commerciale pour son producteur. A méditer !

Propos recueillis par Patricia de Figuieredo le 1er juillet 

http://www.catherinedumas.fr


Continuer la lecture