Prendre du recul face à ce mouvement du « tout numérique, pour Thomas Huzar, PDG de Société Générale d’Archives
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Prendre du recul face à ce mouvement du « tout numérique, pour Thomas Huzar, PDG de Société Générale d’Archives

18.06.2021
Dans une tribune intitulée, "Stockage numérique : la prudence est de mise", Thomas Huzar, Président Directeur Général de Société Générale d’Archives, spécialisée dans l'externalisation des archives invite "les dirigeants à prendre du recul face à ce mouvement du "tout numérique"" et de travailler au cas par cas, car numériser coûte cher : 0,5 centime d'euro par feuille et par an contre 0,0007 centime en format papier. Et rappelle que "moins falsifiable et plus pérenne, le papier devient parfois un support de sauvegarde des documents numériques."

Stockage numérique : la prudence est de mise

Thomas Huzar, Président Directeur Général, Société Générale d’Archives

Avec le recours accru au télétravail, les entreprises sont incitées à dématérialiser massivement leurs outils et documents de travail. Mais la volonté du gouvernement de créer un label pour garantir la protection des données vient rappeler que la numérisation comporte des risques et n’est pas toujours l’option la plus pertinente.

Stockage dans le Cloud, sécurisation des échanges par technologie blockchain, accès instantané à distance…les sirènes du numérique font résonner de douces promesses aux oreilles des dirigeants d’entreprise : sécurité, simplicité et modernité. Mais il est important de bien peser le ratio risques/coûts qui ne penche pas forcément en faveur de la dématérialisation.
Le format numérique est pratique et adapté pour les documents utilisés au quotidien et en déplacement, par exemple les documents techniques dans le BTP. En revanche, le sujet est plus délicat pour les documents qui répondent à une logique d’archivage, de droit de la preuve ou de protection du patrimoine (contrats, actes notariés…). Paradoxalement, l’archivage papier reste une solution plus judicieuse pour de nombreuses entreprises car le numérique n’offre pas encore toutes les garanties nécessaires et coûte bien plus cher.
L’obsolescence technologique : un risque juridique
La dématérialisation pose la question de la conservation des documents à long terme. L’évolution des formats et des supports informatiques est constante, les logiciels et les systèmes d’exploitation doivent être mis à jour régulièrement… Pour les entreprises qui doivent conserver certains contrats pendant 30 ans, c’est un enjeu juridique non négligeable. Le risque est ne plus pouvoir lire ou accéder à un fichier (devenu incompatible avec les logiciels récents) si un litige survient.
Des exemples quotidiens de failles de sécurité
A court terme, c’est la sécurité qui fait défaut. Aucune organisation et aucun secteur n’est à l’abri d’une cyberattaque ou d’un virus : de l’hôpital paralysé par un ransomware au cabinet d’avocats qui se fait dérober des millions de documents en quelques clics…ces problèmes sont fréquents, avec des conséquences graves.
L’essor du télétravail, souvent réalisé avec une connexion internet mal protégée, vient aussi renforcer la nécessité de choisir avec précaution quels documents sont accessibles à distance et qui peut les consulter.
Un secteur dominé par les GAFAM
Bien sûr, il existe des acteurs spécialisés dans le stockage numérique qui proposent des solutions techniques de plus en plus sérieuses en matière de pérennité et de sécurité. Mais les leaders du secteur sont américains et chinois et cela pose un problème de confidentialité. On assiste en ce moment à une prise de conscience de l’emprise des GAFAM sur les données numériques européennes. Le Cloud Act, texte promulgué aux USA en 2018, permet notamment aux agences fédérales d’avoir accès aux données hébergées sur des clouds américains, y compris hors du territoire des Etats-Unis. En croyant protéger leurs données, les entreprises européennes pourraient en fait les rendre plus facilement accessibles à leurs concurrents.
Pour se prémunir contre ce risque, il faudrait l’émergence d’un cloud souverain et des acteurs européens leaders qui contrôlent la future sécurisation par blockchain et toute la chaîne de stockage numérique (transfert, certification, signature, horodatage, stockage…). C’est pour aller dans ce sens que le gouvernement français a récemment pris la décision d’investir un milliard d’euros dans un label qui permettra d’identifier les entreprises de confiance dans le secteur du stockage de données. Mais toutes ces innovations indispensables ne verront pas le jour avant plusieurs années dans le meilleur des cas.
Un arbitrage au cas par cas
Un dernier risque, pas toujours anticipé, est celui d’un engagement financier excessif : se doter d’un système d’archivage électronique et tout numériser coûte cher (0,5 centime d’euro par feuille et par an contre 0,0007 centime en format papier). Pourtant seuls 3 à 5 % des documents archivés seront à nouveau consultés. Les dirigeants ont donc tout intérêt à prendre du recul face à ce mouvement du « tout numérique » : chaque entreprise ou cabinet a besoin de se doter d’une politique d’archivage réfléchie, adaptée à ses besoins réels et à ses moyens.
Alors que la numérisation a souvent été vue comme un moyen de dupliquer et de conserver des documents en papier, la logique peut aussi s’inverser :
moins falsifiable et plus pérenne,  le papier devient parfois un support de sauvegarde des documents numériques.
Thomas Huzar, Président Directeur Général, Société Générale d’Archives

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