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Culture #Interview

Pour le sénateur Julien Bargeton, le livre n’est pas un commerce comme les autres.

16.12.2020
Sénateur de Paris, Vice-Président de la commission de la Culture, de l’Éducation et de la communication, Julien Bargeton a rendu le 26 novembre son Avis dans le cadre de l’adoption des crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles ». En cette période économique difficile pour les libraires, il rappelle la nécessité de pas mettre les librairies sur un même pied d’égalité que les autres commerces.

La notion de « bien essentiel » a fait débat. Le livre est-il un bien essentiel ou peut-il être mis sur le même plan que des fleurs ou des jouets ?

Julien Bargeton, Sénateur de Paris © DR

Non, même si les fleurs ou les jouets sont importants, le livre reste à part dans la mesure où il ouvre un accès à la culture et au savoir. Aussi les librairies ne peuvent pas être mises sur un même pied d’égalité que les autres commerces.

Mais actuellement, l’enjeu majeur reste la protection sanitaire, or le problème que nous avons rencontré est dû à la manipulation des livres qui sont regardés parfois feuilletés avant d’être achetés. Lors du premier confinement, les libraires eux-mêmes n’avaient pas souhaité ouvrir. J’entends leurs difficultés ; l’impact sur leur chiffre d’affaires a été important. Même si un regain très net a eu lieu entre les deux confinements et qu’en novembre la commande et le retrait ont été possibles et utilisés, cela ne couvre pas la perte du chiffre d’affaires. Mais paradoxalement, nous retiendrons de cette crise l’attachement des Français aux livres, aux librairies où ils s’y sont rendus massivement entre mai et septembre et donc au format papier.

Nous avions accès à tout le numérique pendant un confinement, or il n’apparaît pas comme un substitut au papier.

L’économie du livre a ses fragilités mais le papier comme support a de l’avenir.

Quelles sont les mesures principales que vous préconisez avec la remise de votre Avis sur « Le livre et les industries culturelles » ?  

Au début de 2021, nous aurons des données plus précises sur les pertes économiques. Mais il est certain que la trésorerie des librairies a fortement chuté. Il faut garder en mémoire qu’elles restent le secteur commercial qui engendre la plus faible marge parmi les commerces.

En effet, entre le quart et le tiers du chiffre de leur chiffre d’affaires des libraires s’effectuent dans les derniers mois de l’année, au moment des prix littéraires et des fêtes de fin d’année. Il faudra voir si la réouverture au 28 novembre a permis un rattrapage. Le deuxième confinement n’avait rien à voir avec le premier dans la mesure ou mars-avril sont moins impactant que le mois de novembre pour les libraires. Les aides ont été massives, la filière le reconnait, avec des soutiens spécifiques au secteur du live comme les frais de port. Il n’y a pas encore de faillites mais la vigilance devra être totale pour le premier semestre 2021.

Parallèlement, il existe un danger de voir s’effriter la diversité de l’offre car les recherches sur internet nous conduisent à aller vers ce que l’on connait puisque le conseil du libraire a disparu. La surprise de découvrir et de feuilleter un livre sur un rayonnage fait partie intégrante de la découverte de la littérature. De ce fait, le nombre de référencements a très fortement chuté.

Des préconisations ont aussi été faîtes au sujet de la BnF ?

Elle a des chantiers en cours très important, dont le quadrilatère Richelieu qui a pris du retard et des surcoûts mais il devrait rouvrir à l’été 2022 au public. Le site de François Mitterrand doit également être remis à neuf avec des travaux de sécurité et incendie.

Un projet d’envergure concerne le centre de conservation des archives ; 80 villes se sont portées candidates suite à l’appel à projet. Un volet concerne notamment la collection de la presse sous la IIIe république, une époque riche en caricatures où les journaux ont foisonné avec des créations et des disparitions, or pour des raisons techniques ces journaux étaient imprimés sur du papier de moindre qualité avec des encres médiocres. Ces collections peuvent se perdre, aussi la BnF doit consacrer des moyens pour les sauver et les rendre accessible au public. Ce Centre serait également dédié à la liberté d’expression, la BnF étant une figure de proue sur ce sujet. Sinon la BnF a peu souffert de la crise ayant peu de ressources propres, elle n’a perdu « que » 6 millions d’euros.

La meilleure façon de défendre la liberté d’expression est de valoriser notre mémoire.

Qu’incarnera le papier ou l’imprimé dans 10 ans ? 

On a cru que le numérique allait remplacer le papier et que les liseuses allaient décoller. On se rend compte que, même s’il existe une progression notamment grâce aux très grands lecteurs, elle est faible. Le numérique n’a pas été au livre ce qu‘il a été pour la musique et pour l’image animée (cinéma, tv).

Le papier constituera toujours notre rapport physique à la mémoire,
par le sens du toucher et cette capacité de nous projeter dans l’imaginaire.

Je veux être optimiste pour l’avenir du papier. Même les jeunes sont demandeurs de ce contact. Surtout pour les romans et les essais, et aussi pour les belles revues.

Mais soyons réalistes, les jeunes ne lisent plus la presse papier.  Ils s’informent par l’image, les réseaux sociaux, les vidéos, par des formats qui ne sont plus de la presse papier.

Aussi, je suis beaucoup moins inquiet pour l’avenir du livre physique que pour celui de la presse papier.

Que diriez-vous à un enfant sur la magie du papier ?

Avec le numérique on effleure un écran, tandis que l’on se plonge dans le papier. Le livre est un monde qui invite à la découverte d’autres vies possibles, il permet de se mettre en contact physique avec l’évasion, l‘exploration d’autres mondes ou d’époques.

Pour un enfant, cela représentera toujours un indépassable, cette qualité, le fait de pouvoir y retourner, ranger une bibliothèque. Il y a beaucoup de choses derrière le livre. Avoir des livres est une référence. Ainsi dans Harry Potter où la bibliothèque garde une place de choix.

Propos recueillis le 16 décembre 2020 par Patricia de Figueiredo


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