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Écosystème #Interview

Par manque d’usines papetières, la France se retrouve avec un excédent de matière à recycler.

19.10.2020
Députée de la première circonscription de l’Isère, Camille Galliard-Minier a été nommée rapporteuse d’une mission d’information parlementaire sur la filière du recyclage du papier. Un sujet au cœur de la problématique de l’économie circulaire qui connait une situation paradoxale en France. Sa réflexion intègre que la matière à recycler est là, qu'il reste donc à trouver les bons leviers pour les valoriser en France, sans déstabiliser la filière de fabrication de papier vierge. Elle plaide pour une approche et une réflexion globale, à inscrire dans le plan de relance.

Pouvez-vous revenir sur la raison de la création d’une mission d’information sur la filière du Papier recyclé ?

La mission d’information « Recyclage papier » a été initiée suite à la fermeture du site UPM Chapelle Darblay à Grand Couronne (76) en Normandie, seul site industriel en France à produire du papier journal 100% recyclé.

Camille Galliard-Minier, députée de l’Isère

Au-delà de l’enjeu évident sur l’emploi, cette fermeture doit nous interroger. Pourquoi cette filière connaît-elle des difficultés alors que jamais les Français n’ont autant trié leur papier ? Alors que cette filière est au cœur d’une économie circulaire, largement plébiscitée ? Le sort de cette filière est-il lié à celui du carton ? Quels leviers permettraient de valoriser cette filière ? Comment concilier cette filière avec celle du papier vierge ? Autant de questions auxquelles la mission entend apporter des réponses. Les enjeux sont importants pour l’avenir de cette filière qui est au cœur de l’effort pour une meilleure transition écologique et créateur d’emplois locaux non délocalisables. Beau défi !

Question plus personnelle, est-ce la longue histoire de votre département de l’Isère, avec le papier, qui vous a motivé à être rapporteure de cette mission d’information ?

Cet héritage constitue une des raisons de mon engagement au sein de cette mission. Vous avez raison de rappeler la longue histoire qu’entretient notre département avec la filière du papier. Il est vrai que l’industrie papetière iséroise a joué un rôle majeur dans le développement industriel de notre territoire au cours des 19ème et 20ème siècles. Elle restera à jamais comme la première à s’être implantée en France.

Quels sont les chiffres en la matière qui vous ont frappé ? 

Sur ce sujet, plusieurs chiffres m’ont interpellé. La France collecte 7 millions de tonnes de déchets papiers-cartons, ce qui démontre que les Français trient beaucoup ! Mais dans le même temps, par manque d’usines papetières, la France se retrouve avec un excédent annuel de 1,7 million de tonnes, qu’elle exporte en Europe.

La matière à recycler est là, reste donc à trouver les bons leviers pour les valoriser en France.

Quelle est la méthode de travail de la mission, et les perspectives de ses travaux ?

Nos travaux ont commencé depuis le mois de septembre. Ils comprennent des auditions et des déplacements, dont l’objectif est d’interroger et d’échanger avec les acteurs de la filière de papier recyclé, du tri et de la collecte, les papetiers, les industriels, les syndicats… Le but : avoir un maximum d’informations, de points de vue permettant d’aboutir à une connaissance forte du secteur et des enjeux. Ces travaux donneront lieu à l’écriture d’un rapport, au cours du premier semestre 2021, qui dressera un constat sur la problématique et des recommandations que nous souhaitons les plus concrètes possibles.

Peut-on dans cette réflexion, faire évoluer les mentalités qui opposent souvent papier recyclé/et vierge, quel est votre point de vue à ce sujet notamment pour la presse magazine ?

Le papier vierge et le papier recyclé sont encore trop souvent opposés, alors qu’ils sont avant tout complémentaires !

Ainsi, la fibre de la cellulose se dégradant au fur et à mesure de ses utilisations successives, la matière vierge est indispensable à son renouvellement dans la boucle de production du papier. Ceci posé, demeure la question du développement de l’usage de papier recyclé, notamment dans la presse magazine : la majorité des magazines sont aujourd’hui imprimés à partir de papier vierge. Comment inciter cette presse a utilisé davantage de papier recyclé ? A la commission de chercher si les lecteurs sont prêts et demandeurs d’un changement. Un autre enjeu : celui de l’équilibre qui doit être trouvé et qui permette de développer l’usage de papier recyclé sans déstabiliser la filière de fabrication de papier vierge. Une approche globale est absolument indispensable.

Faut-il relocaliser des usines de recyclage de papier, après le spectaculaire scandale de l’usine du Bessé d’ex Arjowiggins ?

Il est vrai que la situation de l’usine de Bessé-sur-Braye, qui fait d’ailleurs écho à la fermeture de l’usine UPM Chapelle Darblay, symbolise bien les difficultés rencontrées par la filière du papier recyclé en France. Après des mois d’incertitude, l’usine sarthoise a trouvé un repreneur canadien : Paper Mill Industries. La relocalisation d’usines de papier recyclé s’inscrirait pleinement dans la dynamique lancée par le Président de la République qui – pour remédier aux difficultés d’approvisionnement de plusieurs secteurs français mis en exergue par le confinement – a annoncé le 28 août dernier que 15 milliards d’euros seraient consacrés, dans le plan de relance, à l’innovation et la relocalisation industrielle.

La filière du papier recyclé pourrait y prendre sa part.

 Vos réflexions doivent-elles permettre au papier de participer à la sobriété numérique, nécessaire comme l’a montré le récent rapport de la mission d’information sénatoriale sur l’empreinte environnementale du numérique, présidé par Hervé Maurey ?

Vous avez raison. L’usage inconsidéré du numérique pourrait avoir un impact environnemental significatif.  Le rapport que vous citez dresse des pistes intéressantes quant à la nécessité de tendre vers plus de sobriété numérique. Il rappelle notamment que si aucune politique publique n’est déployée en la matière, le numérique pourrait atteindre près de 7% des émissions de gaz à effet de serre de la France, un niveau bien supérieur à celui actuellement émis par le transport aérien (4,7%). Fort de ce constat, l’usage du papier recyclé pourrait représenter une partie de la solution. Favoriser son usage permettrait de diminuer de facto l’usage du numérique. On le voit encore ici. Le papier recyclé constitue une réelle opportunité.

 


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