L’imprimerie est déjà structurellement décroissante avec une baisse de 5 à 10% chaque année, pour Guillaume Riccobono.
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L’imprimerie est déjà structurellement décroissante avec une baisse de 5 à 10% chaque année, pour Guillaume Riccobono.

09.03.2021
La Presse représente les 2/3 de l’activité du Groupe Riccobono. À la tête de 700 salariés, répartis sur 10 usines en France ( dont 7 consacrées à la Presse : 5 en Province et 2 en IDF), Guillaume Riccobono, son PDG organise l’inexorable décroissance de la presse papier par la massification et la mutualisation des moyens des éditeurs. Avec le pari de relocaliser des travaux qui s’impriment à l’étranger.

Cinq générations au service de la communication

Guillaume Riccobono

C’est une aventure familiale, débutée en 1900, qui perdure aujourd’hui avec la 5ème génération incarnée par Guillaume Riccobono. De l’imprimerie au digital, le Groupe Riccobono continue de se développer répondant aux attentes et aux besoins de ses clients notamment les éditeurs de quotidiens. Chaque génération a contribué à apporter sa pierre à l’édifice, ainsi, le père de Guillaume avait beaucoup développé en régions.

 Le défi de la mutualisation

 Guillaume Riccobono est, quant à lui, convaincu que l’avenir de la presse papier passe par une mutualisation, une massification des moyens et des synergies pour pouvoir maîtriser les coûts avec une structure de coûts fixes : « L’objectif reste d’accompagner les éditeurs dans leur décroissance. Sans massification, sans innovation technologique, ce n’est pas possible. »

La mutualisation des moyens s’effectue par agrégation de la production des groupes de presse : La Tribune, Le Figaro, Libération, etc… En moins de 9 ans, le volume d’impression est passé de 14 à 5 rotatives en Ile-de-France, assurant les formats tabloïd et berlinois et en reprenant des imprimeries comme celle du Monde ou du Parisien à Mitry-Maury.

Et la tendance décroissante n’est pas prête de s’enrayer, prévoit le PDG du groupe. Avec l’arrêt programmé d’une des 5 rotatives existantes et par le rapatriement de travaux extérieurs.

Toujours rebondir

Tel pourrait être le mantra de Riccobono. Depuis 15 ans, sur les usines actuelles, aucune n’était dans le groupe il y a 15 ans. ! La plus ancienne, celle de Nancy a été reprise en 2003.

En Province, les 5 usines du groupe sont reparties sur tout le territoire : Nantes, Nancy, Gallargues, Lyon, Toulouse. « Nous sommes déjà engagés dans un plan filière pour nos salariés. Le prochain enjeu consiste à ce que les 5 centres fassent l’objet de massification avec les titres de PQR, explique le PDG. Mais il faut tenir compte des historiques de culture, d’état d’esprit de chaque éditeur. En PQR, certains demeurent encore attachés à avoir une ‘cathédrale’ avec quelques rotatives. »

Fermetures, ouvertures, mutualisation et massification sont les maîtres mots d’une stratégie réactive au marché.  Sur leurs 7 usines de presse, 5 ont un actionnariat important d’éditeurs : Le Figaro pour deux usines à hauteur de 35 et 40%, et le groupe Amaury dans 3 autres usines pour 49%.

Dernière nouvelle en date : Dans un contexte sectoriel exigeant qui s’est encore accentué avec la crise sanitaire, le GROUPE LENGLET et RICCOBONO IMPRIMEURS ont décidé de renforcer leur partenariat afin de mettre en place des synergies, dans le but d’optimiser et de sécuriser leur offre sur le marché.

Chacun des deux groupes partage le même attachement à sa culture d’entreprise, à son indépendance et à ses marchés. Ils ont des spécificités techniques complémentaires à forte valeur ajoutée. « Ce partenariat est commercial et opérationnel pour développer les synergies qui s’imposent à l’heure de la contraction des marchés » souligne Guillaume Riccobono. 

Héliogravure : le pari de l’investissement et de la relocalisation

La deuxième activité de Riccobono est l’héliogravure en étant un des deux derniers imprimeurs français alors qu’ils étaient encore 4 il y a deux ans. notamment en presse magazine. Avec également une activité de prospectus publicitaires pour la grande distribution qui représente plus du 1/3 de l’activité d’une des usines.

Le groupe a fait le pari de l’innovation et de la relocation industrielle. 13,5 millions d’euros ont été investis avec notamment la mise en place de 3 tambours de brochage, les plus performants.

L’enjeu de la relocalisation des IP

Pari gagné ! Ses clients l’ont suivi et certaines publications, qui s’imprimaient à l’étranger comme Madame Figaro et Version Fémina, sont revenues. Les tirages sont conséquents : 3,2 millions pour Version Fémina et 4,3 pour le TV Mag. D’autres titres prestigieux – Elle, Paris Match- pour ne citer qu’eux, sont aussi imprimés dans le groupe.

En héliogravure beaucoup de concurrents ont fermé, ce qui permet d’avoir pour le modèle économique du groupe des outils correctement chargés à date.  Mais la menace vient d’une concurrence étrangère trop forte actuellement qui pousse à la baisse des prix. « Nous ne sommes qu’un petit opérateur sur ce marché avec 3 rotatives identiques de 3,08 m qui offrent des performances limitées à certaines paginations comparés à des opérateurs étrangers qui ont pour certains 3 fois plus de machines, et qui peuvent donc être performants sur un plus grand nombre de produits. Les prospectus sont encore majoritairement imprimés à l’extérieur de la France, ce ne sont pas des choix économiques car Ils n’analysent pas les prix correctement, en n’intégrant pas le coût de transport, sans parler de l’impact écologique. Certains jouent le jeu comme Système U imprime 100 % en France, mais tous ne sont pas dans ce cas. »

Cylindre héliogravure

Cylindre héliogravure

L’hyper-concurrence de l’Off-set

La 3e activité du groupe est l’impression Off-set basée à News Print en Seine-et-Marne avec deux machines de 64 pages et 2 de 16 pages. La part de grande distribution y est très faible (majoritairement des produits hebdomadaire ou mensuel comme l’Obs, Télérama, Public, Figaro Magazine, Notre Temps, Equipe magazine,…)

« C’est un marché très concurrentiel avec des prix trop bas qui nécessite des consolidations analyse Guillaume Nous verrons si nous avons vocation à se développer sur ce marché

Une solide démarche RSE

Usines certifiées, labels, une usine équipée avec des panneaux photovoltaïques, Riccobono est investi dans une démarche écologique globale. Comme l’activité de routage est aussi intégrée dans les imprimeries pour des problèmes de délais, « le challenge cette année est de moderniser ces ateliers pour répondre à la nouvelle réglementation qui supprime le film plastique. Nous avons déposé des brevets et cherché des solutions. Nous avons la validation des éditeurs pour notre solution « Post-it » qui se pose sur les journaux et qui va permettre aussi de mettre en place de l’automatisation. L’automatisation qui accompagne la modernisation des ateliers de routage concerne aussi et surtout la suppression des sacs postaux au profit de paquets variables programmés et étiquetés

Ce Post-il a beaucoup d’avantages industriels.»

Attention à ne pas accélérer artificiellement la décroissance

À propos du projet de loi « Résilience et climat » qui veut instaurer une expérimentation du « oui pub », Guillaume Riccobono analyse que les conséquences dépendront du suivi dans les faits par les collectivités locales. « Tout dépendra de la vitesse de la décroissance. Nous sommes dans un secteur déjà structurellement décroissant avec une baisse de 5 à 10% chaque année. Les décideurs risquent de ne pas avoir toutes les informations pour prendre les bonnes décisions. Alors que l’ACV réalisée par Quantis pour La Poste montre que la publicité papier est moins polluante que celle numérique d’après certains critères.

Nous sommes prudents, mais confiant car il y a une vraie appétence pour la publicité imprimée auprès de nos concitoyens. »

Une confiance dans l’imprimé

Guillaume Riccobono reste confiant dans l’avenir du papier même si dans 10 ans, « il deviendra de plus en plus un produit de luxe avec des décroissances de plus en plus importantes. Concernant la presse magazine, celle-ci va continuer à décroitre mais plus faiblement. Nous sommes encore deux Français sur l’activité de l’héliogravure, contre 4 il y a encore deux ans et j’espère que nous le serons toujours, que nous aurons rapatrié des impressions étrangères qui sont délocalisées chez Pozzoni et Walstead par de grands groupes – Burda, Bertelsmann- qui résonnent parfois en coût marginal. Le jour où ils se restructurent. Cela peut changer la donne ».

La tendance s’amorce déjà ; le groupe média Bertelsmann va fermer 10 rotatives avec plus de 1000 personnes au chômage à Nuremberg.

 

Propos recueillis par Patricia de Figueiredo le 3 mars 2021

 


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