L’expérimentation Oui Pub, une stigmatisation de l’imprimé qui ne dit pas son nom (Revue de presse)
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L’expérimentation Oui Pub, une stigmatisation de l’imprimé qui ne dit pas son nom (Revue de presse)

23.03.2021
De l’interdiction de l’imprimé publicitaire inscrite dès le projet de loi Economie circulaire, à celle revendiquée par la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), du « renforcement du Stop Pub » de la Loi AGEC, à « l’expérimentation du Oui Pub » du projet de Loi "Résilience et Climat', la stigmatisation de l’imprimé publicitaire ne cesse de se renouveler alors que ses atouts économiques, sociétaux et environnementaux s’affirment convaincants. Revue de presse.

Acte I. Janvier 2019 – Février 2020 : Loi AGEC et le renforcement du respect du Stop Pub

Si dès les premières écritures du projet c’est l’interdiction de l’imprimé publicitaire qui est visée, les débats et le vote de la Loi AGEC votée en février 2020 aboutit au consensus du renforcement du dispositif « stop pub ». L’une des ONG les plus offensives, Zéro waste France considère l’avancée de la Loi comme ‘une petite victoire pour un des gestes emblématiques du zéro déchet, à savoir l’autocollant STOP PUB et son respect » et de condenser le combat de l’association pour « des avancées concrètes (qui) sont à saluer comme la création d’une amende 1500€ » « L’autocollant STOP PUB prend ses racines en 2004. (…) Toutefois, aucun dispositif explicite de sanction n’était prévu afin de faire respecter l’autocollant. » se félicite Zerowastefrance Stop : la fin des flyers avec la loi Anti-Gaspillage, 40220) tout en réaffirmant que « le chemin vers la fin des prospectus jetables est encore long ». Même tonalité, « Le non-respect du dispositif STOP PUB désormais puni le 1er janvier 2021 » détaille Anton Kunin le 9 03 21 dans ConsoGlobe : « Selon un sondage OpinionWay pour la société Bonial, 30 % des Français ont apposé un autocollant « Stop Pub » sur leur boîte aux lettres, auxquels s’ajoutent 8 % des Français qui comptent apposer cet autocollant. La pratique du « Stop Pub » est d’ailleurs en nette progression (+12 points) depuis la précédente enquête menée en 2015. ». bref, une mécanique qui marche dans le sens des objectifs fixés.

Acte II – Octobre 2019 – Juin 2020. La convention citoyenne appelle à l’interdiction de publicité dans les boites aux lettres.

« Le texte de la Convention citoyenne portant sur la publicité veut à la fois interdire la publicité sur les produits les plus polluants et réguler la publicité en général » titre  Joyan Maumus, 150720 de Graphiline.co  dans son article « Les prospectus en boîte aux lettres et l’affichage extérieur bientôt interdits ». Au nom de « limiter les incitations à la consommation des produits les plus polluants (…) La Convention ne propose pas la suppression de la publicité, mais une exposition publicitaire voulue par les individus. » Dans le même ordre d’idées, le dépôt de publicité dans les boîtes aux lettres serait également interdit, et ce dès 2021. L’espace numérique est aussi concerné rappelle le journaliste puisque la Convention prône un choix systématique du consommateur « pour les contenus en accès limité entre un service payant sans publicité et un service gratuit avec publicité. »

Mathilde Golla revient dans son article Les propositions de la Convention climat retenues par le gouvernement Le Figaro, 91220, sur ce que le gouvernement a retenu ; il a «acté l’interdiction des publicités sur les énergies fossiles car elles ont un impact majeur sur le climat, la fin des avions publicitaires, l’expérimentation du  »oui pub’ à la place du ‘stop pub’ sur les boîtes aux lettres. ».

Acte III. Du « Oui Pub » (conseil des Ministres de février) à « l’expérimentation Oui Pub » issue Commission spéciale de l’Assemblée National (mars)

Le projet de Loi suscite de nombreux débats dans la presse.

Dans son éditorial « Le climat d’une loi » du Figaro 10 02 20, Vincent Trémolet de Villers  pointe que le choix sémantique de « résiliente » et « une démagogie de circonstance (interdiction de la publicité pour les produits polluants) » :  « Le réaliste, lui, s’inquiétera du vol des amendements qui planent déjà autour du texte. Si des députés de la majorité s’ajustent aux propositions de nos nouveaux maires écolos, on peut craindre le pire… Pour l’exécutif, le danger, c’est la surenchère! »…

Le projet de Loi intitulé « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » devient ‘Climat et résilience’ après son passage au Conseil de Ministres du 14 février 2021. Fort d’une étude d’impact, l’article 9 (sur 69) désigne nommément le « Oui Pub » présenté comme « une expérimentation complétant le durcissement du ‘Stop pub’ déjà̀ renforcé par la loi AGEC ». Les émissions de radio et les tribunes se multiplient pour ou contre, ce qui est présenté comme une ‘interdiction du prospectus.»  

Dans un dossier très complet « Pub : pourquoi les prospectus ne sont pas près de disparaître de vos boîtes aux lettres », Sylvie De Macedo et Odile Plichon du Parisien du 27 février 2021 sortent des caricatures habituelles (en kg par français) pour présenter clairement les enjeux de l’IP :  « Alors que les pouvoirs publics et quelques enseignes tentent d’en rationaliser la distribution, les prospectus et catalogues papiers déposés dans les boîtes aux lettres ont encore de fervents défenseurs parmi les consommateurs. (…) Le stop pub suit son chemin auprès des consommateurs. (…) parce que de plus en plus consciente des enjeux écologiques, une partie de la population – 30% aujourd’hui, contre 18% il y a cinq ans – a apposé un autocollant Stop Pub » sur sa boîte aux lettres » (qui prolonge l’article de Clémence Levasseur datant du 40219, Stop Pub : un premier pas vers la fin des prospectus dans les boites aux lettres.
En contrepied, les journalistes du Parisien, très engagé sur le sujet rappellent l’utilité de ce média – source de bonnes affaires – pour le pouvoir d’achat : « C’est que les enfants (notamment pour Noël), mais aussi les adultes, en redemandent. Toujours selon cette étude, 55% des Français jugent les prospectus utiles, un pourcentage qui monte à 63% chez les ouvriers et les employés. (…) Et la crise a encore renforcé l’attractivité de ces catalogues », estime Laurent Landel : depuis mars, la fréquentation de son site a parfois bondi de 50, voire de 100% ! Rien de surprenant quand on sait qu’un Français sur deux gagne moins de 1800 euros par mois. (…) Dans les zones rurales, comme chez les personnes âgées, les prospectus sont d’autant plus appréciés qu’ils créent aussi du lien social. (…) L’avenir qui se dessine concluent les enquêtrices, en précisant ; Pour la plupart, est donc celui d’une coexistence entre papier et numérique. Chez Carrefour, on est « plutôt sur une stabilité du papier », confirme ainsi Frédéric Preslot, sachant que le catalogue se décline par ailleurs sur le site, sur l’appli, ou même par le biais d’un numéro de téléphone WhatsApp. Le papier ne mourra pas. Le digital, lui, ne sera pas le sauveur ultime. » Dans une autre enquête de terrain, Odile Plichon dans le Parisien du 27 février 2021 « Mettre fin aux prospectus ? «Je fais de sacrées économies grâce à eux» creuse le sillon de la France modeste, entre « ceux qui ont du mal à s’en passer (…) pratique pour «feuilleter et cocher» , et ceux qui critiquent ce gâchis de papier » prêts à changer leurs habitudes et consulter les catalogues sur le site de chaque enseigne.

A la question,« Les prospectus publicitaires sont-ils compatibles avec l’environnement ? » RSE Magazine du 11/03/2021 apporte lui aussi une réponse nuancée : « Les prospectus publicitaires ont mauvaise presse. Ces dernières années, ils sont régulièrement pointés du doigt pour leur impact environnemental. La réalité est pourtant plus nuancée qu’il n’y parait. Dans bien des cas, les prospectus s’avèrent même plus écologiques que d’autres types de supports commerciaux, et notamment la publicité digitale (…) le papier a une origine naturelle et qu’il se décompose largement dans la nature sans la polluer. Il s’agit de surcroît d’une des matières les plus recyclables au monde. Chaque morceau de papier est recyclable en moyenne entre 5 et 7 fois. Enfin, l’industrie du papier a réalisé d’immenses progrès en matière de respect de l’environnement au cours des vingt dernières années. » Sans oublier de mentionner « une vaste gamme de papiers écoresponsables, avec notamment des papiers contenant 100 % de fibres recyclées, des papiers labellisés FSC ou PEFC issus de forêts gérées de manière durable, ou même des papiers dont le process de fabrication est validé par un label environnemental (ISO 14001, EMAS,…). » et de rappeler que « grâce à l’ACV pour le groupe La Poste par des experts indépendants « L’impact environnemental du papier est souvent moindre que celui du digital ».  Pour conclure ; « La transition écologique a besoin d’une grande rigueur pour mesurer les impacts climatiques et environnementaux. En comparant les filières papier et numérique sur des bases rigoureuses et objectives, l’étude réalisée à l’initiative de La Poste constitue de ce point de vue une avancée importante et potentiellement très utile », s’est pour sa part réjoui Géraud Guibert, le Président de la Fabrique écologique. »

Après la commission Spéciale, l’article 9 instaure l’expérimentation du Oui Pub

Sans surprise, au cours des débats (replay) en Commission Spéciale, tous les arguments évoqués sont repris par les détracteurs de l’article 9. Sous le titre Climat : la lutte contre les prospectus publicitaires divise les députés, Muryel Jacque, Les Echos 11 mars note les arguments irréconciliables (interdiction IP vs suppression art.9) des parties en présence pour souligner le « sujet complexe » : « Pour Michaël Pinault de la Fédération communication conseil culture de la CFDT, le « Oui Pub » « reprend de très bonnes intuitions » mais « la dimension sociale et économique n’a pas été prise en compte ». Selon lui, l’imprimerie, la presse quotidienne régionale et la distribution directe « où il y a énormément d’emplois précaires » pourraient être impactées « de manière forte ». « Il y a des dizaines de milliers d’emplois en France qui dépendent de cette activité, il faut donc accompagner l’ensemble de ces filières ». « Il y a un vrai sujet emploi », pour la corapporteure Aurore Bergé, qui a donc proposé via un amendement que « les collectivités puissent définir des exemptions sectorielles, notamment à destination du secteur culturel et de la presse ».

L’Aisne a bien noté le 2702 qu’ « actuellement, le refus de recevoir des pubs dans la boîte aux lettres est matérialisé par un autocollant « Stop pub ». Avec l’expérimentation envisagée, la logique s’inverse. Les prospectus seront distribués seulement à ceux qui auront mis un autocollant Oui pub »Et rappelle à quel point il est facile de trouver des logos stop pub via Ministère de l’écologie, UFC Que Choisir voir sur internet.  Sur la même question « Prospectus dans la boîte aux lettres : le « Stop pub » va-t-il être remplacé par le Oui pub ? », Julia Toussaint le 14/03/2021, Ouest France fait le point : « Mais le sujet divise. Pour 58 % des Français, ces prospectus sont une source d’information utile tandis que 42 % estiment qu’ils sont une source de gaspillage, selon une étude de l’Ademe (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Surtout, l’instauration du « Oui pub » fait planer une menace sur l’emploi, à la fois dans l’imprimerie, la distribution et pour les commerces qui drainent des clients grâce à ces publicités. L’association Culture papier dénonce le bashing dont serait victime la filière et affirme que le papier est une ressource naturelle recyclable cinq à huit fois . Rien n’est fait à l’heure pour l’heure. Le projet de loi Climat ne sera pas adopté définitivement avant septembre 2021. Et seule les collectivités locales volontaires expérimenteraient le « Oui pub », pendant trois ans. »

Une expérimentation, véritable usine à gaz administrative

Preuve de la portée des objections des députés (disponibles sur le replay de l’Assemblée Nationale), la rédaction de l’article 9 présenté au débat parlementaire est rédigé ainsi : « À titre expérimental et pendant une durée de trois ans, la distribution à domicile d’imprimés papiers ou cartonnés à visée commerciale non adressés, lorsque l’autorisation de les recevoir ne fait pas l’objet d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres ou le réceptacle du courrier, est interdite. Cette expérimentation a pour but d’évaluer l’impact d’une telle mesure sur la production et le traitement des déchets papiers, ses conséquences sur l’emploi et sur les comportements des consommateurs et ses éventuelles difficultés de mise en œuvre. Elle est mise en place dans des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales ayant défini un programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés en application de l’article L. 541‑15‑1 du code de l’environnement. La liste de ces collectivités et groupements est définie par décret. Six mois avant le terme de cette expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation. Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

Démarré sur des bases injustes (Loi AGEC a validé l’efficacité du stop pub), contre-productive (crée en 2004, les Français le connaissent le Stop Pub), le débat qui débute à l’Assemblée à partir du 29 mars joue le destin de la filière du papier graphique sur un coup de dés politiques.


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