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Société #Interview

Les Français sont très attachés à la propagande électorale dans leur boîte aux lettres

22.09.2021
François-Noël Buffet, sénateur du Rhône, Président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, de la Réglementation, et de l’administration générale est le rapporteur du rapport d’information sur les dysfonctionnements constatés pour la distribution de la propagande électorale lors des élections régionales de juin 2021. L’occasion de mettre en perspective les interactions entre imprimé et démocratie.

De graves dysfonctionnements dans la distribution des professions de foi ont été constatées lors des élections régionales, quelles en sont les principales causes ? 

François-Noël Buffet, sénateur du Rhône, Président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, de la Réglementation, et de l’administration générale

Cela vient principalement de la société Adrexo qui avait le marché et qui n’était pas en capacité de remplir une mission de service public pour des raisons de compétences professionnelles pures. S’ils sont performants pour distribuer des imprimés publicitaires, des courriers non adressés ou pour distribuer des colis adressés, faire parvenir en masse du courrier adressé ne fait visiblement pas partie de leurs compétences. Ils n’ont pas le personnel formé pour ce défi logistique. Adrexo qui a embauché des intérimaires, sans vraiment les former, là où La Poste utilise ses postiers, et des intérimaires qui connaissent déjà le métier ou sont formés trois jours au lieu de trois heures pour Adrexo…

Une deuxième cause vient des retards liés à la production des professions de foi entre les deux tours. Les routeurs se sont retrouvés en grande difficulté, à la fois par le volume, mais aussi par la qualité donnée par les imprimeurs.  Sans que ce soient de leur fait, ils ont dû produire plus que prévu puisque tout était calibré sur un deuxième tour de triangulaires. Or, il y a eu de nombreuses quadrangulaires. Les imprimeurs ont dû fournir énormément. Certains papiers n’étaient pas suffisamment secs pour aller dans les machines des routeurs qui ont eu des problèmes techniques.
Toute cette chaîne de disfonctionnement a induit des retards importants. Les professions de foi auraient dû arriver jeudi soir, elles sont arrivées parfois même le samedi matin chez le distributeur !

Quelles recommandations préconisez-vous ?

Nous nous sommes rendus compte que les Français sont très attachés à l’arrivée de la propagande électorale dans leur boîte aux lettres. Des remontés ont eu lieu dans tous les départements. Pour certains, cela leur rappelle qu’il y a une élection et pour la majorité d’entre eux, ils les lisent vraiment et forment parfois leur conviction à ce moment-là, ce qui est intéressant à étudier d’un point de vue politique. Ils sont donc très attachés à la propagande.

La propagande papier n’est pas à remettre en cause.

Pour les prochaines élections ; le gouvernement va modifier le marché. Probablement qu’Adrexo va se retirer et que tout sera confié à la Poste dans la mesure où elle garantirait la bonne exécution de sa tâche, dans les délais et de façon efficace.

Le papier est-il toujours un gage d’universalisation de l’information ? 

Le papier a de l’avenir et c’est une bonne chose. On a tort d’imaginer que tout le monde est équipé et en capacité à accéder aux systèmes proposés.

Avec l’envoi des professions de foi dans leur boîte aux lettres, les 49 millions de Français sont traités de manière équitable ; il est absolument nécessaire de conserver cette équité. Il pourrait avoir une propagande dématérialisée, mais il est impensable de tout dématérialiser. Peut-être que certains qui en feraient la demande expresse pourraient se signaler. Le principe étant la distribution papier de la propagande, le numérique et l’envoi par mail étant l’exception.

Sur le vote proprement dit, voyez-vous une utilisation du numérique prochainement ? Vote par internet, électronique dans les bureaux de vote ? 

Pour le vote électronique, communément appelé les machines à voter, le gouvernement a instauré un moratoire, même si certaines communes l’utilisent depuis très longtemps. Globalement, ce vote n’a pas une portée importante. Il faut aller au bureau de vote pour assurer la sécurité du vote, c’est-à-dire que ceux qui votent le fassent dans l’isoloir et sans pression. C’est le seul moyen de garantir le secret du vote. Pour autant, la question du vote par correspondance est revenue, elle n’est pas inintéressante mais compliquée à mettre en place dans son processus puisqu’elle nécessite de revoir les délais d’envois des documents pour permettre de voter. Elle obligerait à revoir l’idée de n’avoir qu’une semaine entre le premier et le deuxième tour, qui est le principe de nos élections à l’exception de l’élection présidentielle. Et ce vote a été arrêté en 1975 pour des raisons de fraude.

Je pense que le vote numérique sur mobile ou tablette arrivera un jour. La vraie question concerne la sécurisation du vote. C’est pour cette raison que les gouvernements successifs, comme le gouvernement d’Emmanuel Macron, ne souhaitaient pas s’engager dans cette voie. Des pistes de travail s’appuient sur sur le numéro de sécurité sociale, mais cela sera pertinent et possible quand nous aurons tous un numéro unique, ce qui n’est pas le cas pour le moment.

Le papier ne reste-t-il pas le symbole d’une certaine forme de démocratie ? Le numérique n’engendre-t-il pas une démocratie plus contrôlée ?

Dans les départements où la propagande électorale imprimée n’a pas été distribuée correctement, la participation est largement moindre.

Donc il existe bien un effet réel. C’est le gage d’une égalité de traitement de tous les Français. Il faut s’assurer de la sécurité du vote individuel et libre. Comment faire voter 47 millions de Français le même jour avec un système informatique parfaitement faible sans bug et sans attaques ?
Et là encore, le vote électronique serait l’exception et non la règle qui restera de se déplacer dans un bureau de vote

Propos recueillis le 1er septembre par Patricia de Figueiredo

Pour lire le rapport d’information n° 785 (2020-2021) : Dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021Synthèse du rapport – Intégral PDF (7,4 Moctets)

 

 


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