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Culture #Interview

Les écrans sont de l’imaginaire imposé. Le lecteur interprète ce qu’il lit, rappelle le comédien François Berléand

02.06.2020
François Berléand avait juste commencé à jouer au Théâtre Antoine quand le confinement a débuté. L’occasion pour ce comédien, très sollicité au théâtre et au cinéma, de partager ses récentes lectures et d’évoquer le devenir de la culture.

François Berléand © DR

Le livre a-t-il compté dans votre confinement et comment ?

Habituellement je lis énormément de scénarios et de pièces de théâtre. J’annote, je critique pour qu’il y ait réécriture, j’apprends des textes et cela prend beaucoup de temps.
Des romans, j’en lis 5 maximum par an, là en deux mois j’en ai lu dix ! Tout à coup, cela a été un besoin : la fin d’un livre en appelait un suivant. J’ai lu des romans extraordinaires.

J’ai redécouvert avec un vrai bonheur le plaisir de lire des romans.

Sur l’iPad, je lis uniquement les quotidiens. Sinon je suis abonné au Point, à L’Express en version papier et ils m’ont suivi pendant le confinement. J’ai besoin du contact papier.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos lectures pendant ce temps suspendu ?

J’ai relu Les Misérables de Victor Hugo que je n’avais lu qu’au lycée. Le lire en étant adulte apporte une autre vision.
Le dernier de Jean-Paul Dubois, Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon (L’Olivier) que j’ai beaucoup apprécié.) ;
Le dernier tome de la Trilogie de Pierre Lemaître Miroir de nos peines (Albin Michel) est un bijou, une saga formidable de personnages entre l’avant-guerre et la deuxième guerre mondiale.
La plus précieuse des marchandises (Seuil) de Jean-Claude Grumberg est un conte magnifique qui a une résonance particulière pour moi ayant joué l’une de ses pièces L’enfant Do : ce conte était présent sous la forme d’un monologue de quelques minutes.
J’ai lu en avant-première et recommande le livre de ma compagne Alexia Stresi, Batailles (Stock) qui devait sortir en avril mais dont la sortie est repoussée en janvier 2020.
Né d’aucune femme (La Manufacture des Livres), de Franck Bouysse est un livre exceptionnel, éblouissant.
Le lambeau (Gallimard), récit autobiographique de Philippe Lançon rescapé de l’attentat contre Charlie Hebdo.
Enfin, j’ai souhaité relire l’intégrale de Feydeau en format livre imprimé et non pas en brochure que j’utilise pour répéter. Cela change la vision que l’on pose sur une œuvre.

Justement dans votre travail d’acteur, vous utilisez toujours le papier ?

Oui, je travaille ‘à l’ancienne’ avec le papier qui procure une mémoire visuelle, permettant de mieux repérer les sauts de pages. J’aime le contact physique, tourner les pages, les griffonner. Même s’il existe désormais une application, IMPARATO, qui permet d’envoyer votre texte à une plateforme et de disposer d’une voix qui vous fait répéter comme si vous aviez un acteur devant vous. C’est pratique pour faire des « italiennes » quand vous n’avez pas de répétiteur.

Quel rôle l’imprimé pourrait avoir dans la reprise dans un contexte de sur-consommation du numérique ?

J’espère que les Français qui avaient quelques livres non lus dans leur bibliothèque ont pu en profiter pour plonger dedans, ralentir leur rythme.  La télévision, les chaînes d’infos, les séries sur Netflix, c’est bien pendant un temps. Mais c’est de l’imaginaire imposé. La littérature permet d’être à la fois acteur et metteur en scène.

Le lecteur est comme un comédien, il a sa propre interprétation de ce qu’il lit.

Durement sinistrée, quelles sont les perspectives pour la culture ?

C’est compliqué. Tous les métiers de la culture ont été touchés à 100%. Aucune profession n’est épargnée, que ce soient les techniciens, les musiciens, les créateurs, les danseurs, au cinéma, au théâtre, à la télévision, même les auteurs avec la fermeture des librairies. Nous ne sortirons pas indemnes de ces mois sans activités. On ne sait pas quand cela va reprendre de manière complète : en septembre 2020 ou 2021 ? Si les théâtres doivent rouvrir avec un fauteuil sur deux, aucun ne pourra rentrer dans leurs frais. La Culture va être très fortement impactée. Il était temps qu’Emmanuel Macron fasse des annonces ! Le ministre de la Culture aurait dû se positionner, ce n’est pas normal. On a connu des ministres de la Culture qui prenaient plus la parole que lui. Sans se référer à Jack Lang qui reste un modèle.

Dans le chaos actuel, la vraie question est : A-t-on besoin de la culture ?

Je pense sincèrement que c’est primordial, tout comme la défense de la langue française. Si plus personne ne nous défend, si les politiques, qu’ils soient au pouvoir ou pas, ne se manifestent pas : fermons les théâtres pour en faire des supermarchés !

À côté des plateformes américaines, faisons de la communication sur les plateformes françaises : l’INA ou le CNC possèdent de très belles des choses à mettre en avant…
Mais je pense que tout n’est pas perdu.
1,2 millions de personnes sont concernés dans la culture au sens large.  Faisons-en sorte que ces métiers ne disparaissent pas.

 

Propos recueillis le 22 mai 2020 par Patricia de Figueiredo,

Culture Papier

 


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