Les défenseurs du papier ne sont plus seuls désormais, selon Marguerite Deprez-Audebert
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Société #Tribune

Les défenseurs du papier ne sont plus seuls désormais, selon Marguerite Deprez-Audebert

06.01.2021
[Spécial 2020-2030] Marguerite Deprez-Audebert, fille et soeur d'imprimeur apporte un témoignage à la fois très personnel et engagé sur toutes les dimensions de l'imprimé : environnementales, qualitatives, sociales et sociétales.  La députée du Pas-de-Calais appele les politiques prendre leur responsabilité au moment où les vérités sur le numérique et le plastique se font jour.

Qu’incarnera le papier et (ou) l’imprimé dans 10 ans ?

2030 : si on se fie aux études, aux estimations, le papier occupera encore moins de place dans nos vies qu’aujourd’hui. Jadis surtout symbole de la transmission d’un savoir et utilisé pour l’écriture puis l’usage graphique, le papier a développé de nombreux autres usages qui ont vocation à demeurer et même se développer. Je pense notamment à l’usage domestique, l’isolation ou à l’emballage et ce d’autant plus qu’on a enfin compris que tout papier était une matière végétale, donc naturelle et recyclable. Les défenseurs du papier ne sont plus seuls désormais ; une bataille est en passe d’être gagnée : celle du papier versus le plastique.

Marguerite Desprez-Audebert, Députée du Pas-de-Calais © DR

L’Union européenne, notre Parlement se sont emparés du sujet. Le législateur a pris des mesures (loi Anti-gaspillage pour une Économie Circulaire dite AGEC) pour limiter l’utilisation des matériaux d’origine hydrocarbure ; il ne s’agit pas de les éliminer : on a vu cette année à quel point ils étaient nécessaires pour aider à respecter les gestes barrière !

Mais beaucoup reste encore à faire pour convaincre que le papier est une matière écologique.  Les lecteurs de Culture papier savent tout cela et sont appelés à être des ambassadeurs de la promotion du papier, notamment celui à usage graphique.

Au cours de cette décennie qui a démarré avec cette pandémie où l’on découvre le télétravail, où on apprend à l’école sans livres, où l’on lit son journal quotidien sur tablette, nous devons « en même temps » faire valoir qu’il est tout aussi préférable de lire son hebdo sur papier, d’écrire avec un stylo que de taper avec au mieux dix doigts (plutôt que deux !) pour notre cerveau…. Pour l’environnement enfin et donc notre planète, que le tout numérique a des impacts beaucoup plus néfastes que le papier, fût-il imprimé !

Je pense donc- j’espère- qu’il y aura un rééquilibrage, ou tout du moins que le papier à usage graphique n’aura pas disparu de notre environnement dans 10 ans.

Réhabiliter les valeurs écologique et économique du papier

La volonté politique qui heureusement s’affirme de jour en jour, de vouloir développer une nécessaire économie circulaire doit aider…tout comme celle d’instaurer des circuits courts avec la restauration d’une filière de recyclage du papier et donc de production, y contribuera ; avec parallèlement, en amont, celle de renforcer et mieux structurer une filière bois, qui va se traduire par la redensification et la plantation de forêts.

Si la matière première est à nouveau présente à proximité, il sera possible d’envisager un maillage territorial de l’industrie de transformation du papier, entre autres, celui à usage graphique. Une autre condition est d’améliorer le tri actuellement très hétérogène chez les particuliers, ce que confirment les auditions menées dans le cadre de cette mission pilotée par mes deux collègues députées Isabelle Valentin et Camille Galliard-Minier.

Promouvoir les valeurs qualitative et sensorielle du papier

En tant que femme politique, je défends l’accessibilité à la qualité pour tous mes concitoyens, et déplore un trop grand nivellement par le bas ; je prétends que l’on doit au contraire s’efforcer de « tirer vers le haut ». Le sens de la qualité doit faire partie de l’éducation.

Il en est ainsi, par exemple, pour le papier qui a plusieurs niveaux de qualité et peut solliciter tous nos sens. Je l’ai déjà indiqué lors d’un interview dans ce magazine.

Il est ainsi regrettable que les prospectus destinés en France à la « grande distribution », donc au « toutes boites » aient été imprimés cette dernière décennie, avec pour seul critère le coût de fabrication et le remplissage par un maximum de produits, offrant un message de plus en plus dégradé. Le Danemark, par exemple, avait adopté une toute autre stratégie, présentant au consommateur des prospectus plus « hauts de gamme », bien mis en page sur des supports papier, agréables au toucher et à l’œil.

Je crois que, pour se développer, le e-commerce ne pourra pas faire l’économie de messages imprimés complémentaires, présentant des produits avec des couleurs proches de la réalité et non tributaires du calibrage plus ou moins conforme des écrans.

Si le pavé « all in one » de la Redoute fait partie du passé, les beaux produits ciblés et donc vendeurs, à moyen tirage, retrouveront   la faveur des spécialistes du marketing.

En ce qui concerne la presse, si l’immédiateté avantage les sites en ligne et démolit le modèle du quotidien papier, par contre, la presse hebdomadaire et périodique peut résister en traitant l’information avec un certain recul et ne cherchant pas à copier le quotidien. J’ai toujours en tête l’image des hebdos que j’éditais au cours de ma vie professionnelle, qui avaient un taux de reprise en main très important car l’habitat étant très dense ; on se passait le journal tout au long de la semaine, ce qui était, petit café à l’appui, la manifestation d’un besoin de lien social. L’individualisation de notre société se renforce hélas avec l’isolement du « face à l’écran » imposé par nos nouvelles habitudes. La 10e édition de l’étude sur l’isolement et la solitude de la fondation de France en témoigne.

De par la prise en mains qu’il génère le papier restera toujours un lien physique réel, quelque part rassurant face au virtuel.

Saturation d’emails !

Enfin, si nos boites aux lettres se sont allégées, c’est notre boite e-mail qui a pris le relais qui nous abreuve de messages de toute nature, sans hiérarchie, une boite qui peut se remplir sans limite et provoquer une saturation légitime. Il est plus facile de contrôler sa boite aux lettres et de la maitriser.  Et souvent, nous avons recours à la ramette, faisant de chaque consommateur un imprimeur, autant avoir un document élaboré par un professionnel dans les règles de l’art… !

Pour résumer, je crois que le papier incarnera plus que jamais dans dix ans et au-delà, toutes ces valeurs environnementales, qualitatives, sociales et sociétales. Mais pour y parvenir, le signal politique fort, qui s’est fait jour, devra s’inscrire dans la durée.

Pour suivre la députée de Pas de Calais ; https://www.marguerite-deprez-audebert.fr/

Le témoignage de la députée recu en décembre 2020, s’inscrit aux cotés des 40 personnalités interviewées pour lire ou télécharger le n°40 Spécial 2020-2030


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