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Le vrai problème reste l’inégal accès au marché du livre, pour Francis Combes, L’autre Livre

05.04.2022
Pour son 20e anniversaire L'autre Livre aura lieu des 22 au 24 avril, aux mêmes dates que le Festival du Livre Paris, sans que ce soit volontaire, au Palais de la femme. Les éditeurs indépendants s’y retrouvent, l’occasion d’évoquer avec Francis Combe, leur président, les nouveaux enjeux du marché.

Comment est né L’autre LIVRE ?

Francis Combes, président de l’Autre Livre

Il est né dans les marges du Salon du Livre Paris en 2002. Nous avions eu des échanges entre éditeurs indépendants qui manifestaient leur insatisfaction à l’époque quant à l’organisation du Salon. Les éditeurs en région notamment avaient le sentiment d’être marginalisés. J’avais défendu l’idée de ne pas se mettre en opposition avec le Salon du livre de Paris mais de travailler les uns avec les autres car nous avions, malgré la concurrence qui existe y compris chez les petits éditeurs, des intérêts communs.

Finalement, nous avons fondé cette association et dans la foulée un premier salon en 2003 dans un espace rue de Nesle. Nous avons connu différents lieux, comme la Maison des métallos. Depuis quelques années, nous sommes installés pour notre salon d’Automne à l’Espace des Blancs Manteaux. Le salon a pris son rythme de croisière, se limitant à 120 éditeurs.

Notre association se définit comme une entraide entre éditeurs indépendants, affichant des revendications communes.

Nous avions également organisé des États généraux de l’édition indépendante qui ont donné lieu à la publication d’un livre blanc très argumenté, chiffré. Il a été notre bible pendant plusieurs années et nous a servi pour nos échanges avec les pouvoirs publics. On y exposait une analyse du marché de l’édition et quelques revendications.

Quelles étaient ces revendications et analyses ?

 Pendant la pandémie, nous avions rendu public un plan d’urgence pour la filière Livre avec quelques idées simples et nous avions commencé à discuter avec le ministère de la Culture mais aussi des Finances. Pour l’essentiel, même si les chiffres ont évolué, la concentration dans l’édition s’est renforcée. Notre principale demande concerne les tarifs postaux. Nous réclamons un tarif préférentiel pour le livre sur le modèle de ce qui avait été fait après-guerre pour la Presse.

Si nous voulons faire du livre l’axe central d’une vraie politique culturelle, si nous voulons défendre la lecture, ce n’est pas tel acteur qui doit être le bénéficiaire de ce tarif mais l’objet livre en lui-même que ce soit un libraire, un particulier, un auteur, un éditeur…

À l’exemple de ce qui se passe dans d’autres pays ou même de ce que fait la France quand elle exporte des livres à l’étranger. Nous demandons la généralisation du tarif brochure. Ce point était la campagne la plus marquante. Au fur et à mesure cette revendication est devenue consensuelle reprise par d’autres associations d’éditeurs indépendants notamment en région. Nous avons signé ensemble des textes et réfléchissons à un comité de liaison. Cela a été repris aussi par les libraires et d’autres organisations professionnelles.

Amazon en offrant la gratuité des frais de port à ses clients crée une inégalité et pose problème à tous les acteurs du livre.

L’Autre Salon a lieu les 22, 23 et 24 avril. Est-ce une volonté de le mettre aux mêmes dates que le Festival du Livre de Paris ? 

Ce n’est pas une déclaration de guerre au Festival du livre de Paris. Notre Salon d’Automne connait un succès certain aussi, il y a quatre ans nous avions décidé de faire un Salon de Printemps. Nous l’avons tenu il y a 4 ans au Palais de la Femme, qui appartient à l’armée de Salut. Il n’a pas eu lieu du temps du covid. Pour des raisons de disponibilité des salles, nous nous retrouvons aux mêmes dates. L’entrée sera libre aussi comme pour le Festival.

Cette gratuité est-ce un facteur d’attractivité ?

 Tout à fait. J’ai fondé il y a plus de 20 ans les éditions Le Temps des Cerises. Comme éditeur, j’ai participé à tous les Salons du Livre de Paris et assisté à son déclin. Pour les auteurs, c’était assez terrible cet amoncellement de livres. Pour les lecteurs, venir en famille coûtaient cher. Ce qui est regrettable, c’est l’absence de beaucoup d’éditeurs indépendants et de région, malgré les discussions qui n’ont pas abouties. Il est question qu’il y aura plus de places en 2023 ou 2024.

En attendant, ils peuvent venir dans notre salon, bien que les places soient déjà bouclées aussi.

Quelles ont les problématiques prioritaires du marché du livre ? Surproduction ? Diffusion ?

Il y a eu une période où la surproduction pouvait sembler être un problème mais nous assistons à une stabilisation, même une légère décrue du nombre de nouveautés.

Le vrai problème reste l’inégal accès au marché du livre.

Dans la période de la pandémie, cette inégalité s’est encore accentuée. 300 petits éditeurs ont suspendu leur activité , d’après les chiffres du Syndicat national de Livre Hebdo. 300 sur 3000 qui se trouvent en difficulté ce n’est pas négligeable.  Reste le plus gros problème : la brutale accentuation de la concentration.

Quant sera-t-il de l’opération de rachat d’Hachette par Vincent Bolloré ?

Cela aggravera l’inégalité dans la concurrence au-delà de la diversité éditoriale, la liberté d’expression, le pluralisme. Avec le contexte de guerre et de nouvel affrontement entre bloc, je crains personnellement qu’on se retrouve dans une information de guerre contrôlée.

Et la problématique de la distribution des livres ?

Au lendemain des confinements, il y a eu une période où les lecteurs étaient revenus dans les librairies. C’était une embellie un peu trompeuse car des retours ont eu lieu. Depuis, les échos sont moins favorables. Les périodes de tensions internationales et électorales ne sont pas bonnes pour la littérature.

Au-delà des risques du contexte actuelle, la question de la distribution reste essentielle.

Nous avions avancé un certain nombre d’idées en la matière, il y a plusieurs années. Le problème demeure. Il y a 3 000 éditeurs en France qui ont une activité à peu près régulière, seulement 90 structures de distribution qui comptent, d’où un goulot d’étranglement.

Or c’est au niveau de la mise en place et des ventes que ce fait la concentration, c’est essentiel pour la vie du livre. Il faudrait réfléchir à d’autres modèles.

En 1981, j’étais jeune éditeur, ont eu lieu des discussions dans l’édition sur l’idée de créer un organisme comme les messageries du livre qui auraient été public ou para-public ou coopératif. Cela n’a pas abouti et a été abandonné.

Aujourd’hui, personne ne parle de nationaliser mais il manque un outil para-public de distribution du livre qui permettrait de traiter de bonne manière le libre la circulation des ouvrages.

En attendant il faudrait soutenir des initiatives de regroupement d’éditeurs. Parmi nos adhérents certains ont de petits distributeurs, d’autres plus grands, d’autres s’auto distribuent. Il n’y a pas de distribution miracle.

Propos recueillis le 24 mars 2022

L’autre Salon, du 22 au 24 avril 2022 au Palais de la Femme, 94 rue de Charonne, 75011, Paris

 


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