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Société #Interview

Le Stop-and-Go législatif sur l’imprimé publicitaire est contre-productif, Marta de Cidrac, Sénatrice des Yvelines.

16.06.2021
L'amendement de la sénatrice Marta de Cidrac, rapporteuse du projet de loi Climat et Résilience au Sénat voté en commission pour supprimer l'expérimentation du Oui Pub et revenir à un stop pub renforcé a été adopté en séance plénière le 15 juin. Même si le gouvernement souhaite un retour à l’article initial en CMP, la rapporteuse de la loi AGEC nous avait la veille justifiés sa démarche, convaincue que le cadre législatif de la Loi AGEC doit être évalué avant d’être détricoté : Le Stop-pub a le mérite d’être clair sans être stigmatisant. 

À rebours de ce que l’Assemblée nationale a voté, vous avez souhaité réécrire l’article 9. Quelle est votre motivation ?

Marta de Cidrac, sénatrice des Yvelines et rapporteuse des loi AGEC et Climat et Résilience.

Le débat sur le Stop-pub a déjà eu lieu dans le cadre des auditions de la loi AGEC. Le renforcement du Stop-pub et des sanctions attenantes ont été votés. Aujourd’hui, je ne reprends pas le débat. Si la loi AGEC n’a pas tout résolu sur tous les sujets, elle a été votée, elle doit pouvoir se déployer puis être évaluée. Je suis plutôt dans cet état d’esprit. D’une manière générale, et notamment dans le domaine de l’environnement, il est important pour nos concitoyens que nous ayons de la stabilité et de la clarté dans nos propositions et nos votes. Le Stop-and-Go législatif est contre-productif. Il faut que cela s’inscrire dans un minimum de temps.

Je n’écarte pas le Oui-pub par principe, je dis juste que le moment n’est pas opportun.

Le Oui-pub n’est-il pas aussi stigmatisant ?

 J’avais argumenté deux autres aspects lors des auditions de la loi AGEC. Le système Stop-pub signifie que l’on ne veut pas la publicité mais dans le Oui-Pub il y a, d’une part une connotation de la consommation par rapport à son voisinage. Et l’autre volet est plus social : dans ces publicités figurent des bons de réductions qui peuvent être un marqueur social ou de nécessité.

Ce sont les raisons pour lesquelles je n’étais pas en accord avec le Oui-pub proposé dans le texte.

Le gouvernement est tenté de revenir à sa version de l’article 9 …

J’en conclu qu’il y tient beaucoup. J’essaye raisonnablement de convaincre. Après, je crois beaucoup à la démocratie et au travail des parlementaires, nous en débattrons en séance et en commission mixte paritaire. Je ne veux pas en faire une affaire personnelle, mais je souhaite que la voix des élus soit entendue. De plus je souhaite rappeler que toute réflexion sur l’environnement a aussi des impacts éminemment sociaux.

Le Stop-pub a le mérite d’être clair sans être stigmatisant.

Ce texte de loi vient à la suite de la Convention citoyenne. Le gouvernement souhaite lui faire laisser un gage comme beaucoup de leurs propositions n’ont pas été retenues. C’est une mesure emblématique.

Mais je trouve que ceux qui ont accompagné les citoyens de la Convention auraient pu argumenter sur la loi déjà votée. Le travail parlementaire n’est pas quelque chose qu’il faut ignorer.

Le Sénat a voté en janvier une loi pour la sobriété numérique, dont la discussion va commencer à l’Assemblée. Ne croyez-vous pas qu’elle aurait dû s’inscrire dans la Loi Climat et Résilience, puisqu’elle vise aussi à réduire l’impact environnemental du numérique ?

 Tout à fait. J’étais dans la mission d’information qui a abouti à ce texte. Je trouvais qu’il manquait plusieurs sujets dans cette loi, l’empreinte du numérique en fait partie. J’ai donc discuté avec mes collègues à l’initiative de  cette proposition et leur ai proposé de l’introduire dans la loi Climat et résilience. J’étais favorable à cet aspect. Mais ce texte a finalement été examiné par l’Assemblée nationale au moment où celui de Climat et Résilience était au Sénat et devait poursuivre son chemin jusqu’à une adoption définitive.

Quelles sont à votre sens les complémentarités entre l’imprimé et le digital ?

Je pense que ce sont deux vecteurs qui ne touchent pas au même moment, le même public. L’usage et la temporalité ne sont pas les mêmes. L’imprimé s’inscrit durablement dans le temps alors que le numérique est plus dans l’immédiateté. Il faut garder cela en tête et les deux supports doivent continuer à exister.

On ne peut pas tout dématérialiser, ce serait une erreur.

En France, nous ne sommes pas tous équipés d’ordinateurs, il reste des personnes qui ne sont pas à l’aise avec un écran. Et construire nos lois en pensant que tout le monde est à l’aise avec le numérique est une aberration.

D’autres sujets pourraient être mieux pris en compte ?

 Tout à fait, celui de l’énergie. Nous avons auditionné les conventionnels avant même que les rapporteurs soient désignés pour la Loi Climat et Résilience. Autour de l’énergie, très peu de choses sont arrivées au niveau de la loi. Notamment l’énergie décarbonnée qu’est le nucléaire, comme si cet aspect devait être occulté. Cela aurait eu le mérite d’ouvrir le débat pour que l’on puisse clarifier certaines choses. En tant que législateur, cela me paraissait un sujet éminemment important et qui n’est pas à la hauteur des enjeux du texte annoncé qui était très attendu.

Le 3e volet, qui n’est pas dans mon périmètre, concerne le logement. Le volet climatique est abordé à travers l’isolation thermique, or pour qu’un logement soit performant il manque deux supports que sont la ventilation – il ne peut pas avoir une bonne isolation thermique sans ventilation des volumes fermés – et dans l’autre cas, le refroidissement ou le chauffage pour avoir un équilibre sain dans le logement. Or la loi Climat et Résilience ne l’aborde pas sous cet aspect-là. Cela peut être dommageable car des investissements conséquents vont être mis en œuvre. La réflexion n’est pas totalement aboutie sur ce sujet et je le regrette.

Propos recueillis le 11 juin par Patricia de Figueiredo.

Martha de Cidrac a enfoncé le clou le 15 juin à l’occasion de l’adoption de l’article 9

En séance plénière sur le projet de loi Climat et Résilience débuté le 14 juin, le Sénat, a rejeté le 15 juin les 3 amendements visant à réintégrer un dispositif « Oui Pub », confirmant ainsi l’amendement de Martha de Cirac, sénatrice des Yvelines. La rapporteuse de la loi AGEC a rappelé ses motivations :   Si on veut embrouiller l’esprit de nos concitoyens c’est ça qu’il faut faire, c’est à dire qu’on ne laisse pas se déployer un dispositif que nous avons voté dans le cadre de la loi Agec.
Nous avions déjà alors débattu de l’opportunité d’avoir un Oui PUB ou un Stop PUB. Aujourd’hui, on propose de changer les règles alors que les règles ont déjà été proposées. Lorsque vous dites que le Oui pUb est dans la continuité de la loi Agec, non, le Oui Pub met à côté le Stop Pub et propose une nouvelle expérimentation, quelque chose qui va encore embrouiller nos concitoyens et on va plus savoir si on doit mettre le sticker pour dire Oui ou Stop Pub. Dans le Oui Pub, il y a quelque chose de stigmatisant : cela laisse entendre que nos concitoyens qui vont apposer le Oui Pub sur leur boîte aux lettres envoient un double message : je suis preneur de la publicité papier, encore. Alors qu’on est dans une tendance d’alléger la publicité. Autre chose de stigmatisant, c’est les bons de réductions dans les boîtes aux lettres. Laissons le Stop Pub se déployer, évaluons-le et éventuellement changeons après évaluation. Ce qu’on demande c’est d’expérimenter le Stop PUB. Donc expérimentons le Stop Pub, en plus dans la loi Agec on a prévu des dispositifs de sanctions. Ceux qui ne veulent pas de publicité mettent Stop Pub, où est le problème ? On attend pas qu’un dispositif soit déployé pour le modifier. On décide de légiférer encore et encore. Expérimentons, évaluons le Stop Pub et voyons après. Faisons les choses dans l’ordre. Avis défavorable. »

Dans la discussion à venir en commission mixte paritaire annoncée en juillet, Culture Papier plaide que le cadre législatif de la Loi AGEC doit être évalué avant d’être détricoté.


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