Accueil>Nos actions>Le Blog #Lepapieraufutur>"Le roman donne le sentiment d’écrire à une seule personne" rappelle Patrice Leconte, romancier
Culture #Interview

« Le roman donne le sentiment d’écrire à une seule personne » rappelle Patrice Leconte, romancier

22.02.2022
Réalisateur et scénariste, dont Tandem, Monsieur Hire, La Fille sur le Pont, Les Grands Ducs, …. Maigret, le film de Patrice Leconte en salles le 23 février est une adaptation de La Jeune fille et la mort de Georges Simenon. L'auteur d'une truculente autobiographie 'J'arrête le cinéma' (Calmann Levy, 2011) est aussi romancier et confie à Culture Papier ses motivations d'un tenace passage à l'écriture à l'occasion d'un nouveau roman, Monsieur Bouboule aux éditions Arthaud.

Comment est née l’histoire de Monsieur Bouboule et pourquoi l’avoir traitée sous forme de roman ?
Je ne voyais pas comment cette histoire aurait pu être traitée autrement. J’ai toujours été assez bouleversé – le mot n’est pas trop fort – par les gens très très gros, qui trainent un poids comme un boulet qu’ils auraient aux pieds. Je suis d’autant plus ému, qu’ils sont souvent sujet de moqueries. Peser très lourd est une tristesse. On dit souvent « un gros rigolo » mais ils ne sont pas joyeux en général.

Patrice Leconte. Photo : Astrid di Crollalanza © Flammarion

Au-delà, ce monsieur Bouboule cristallise à sa manière toutes les différences et handicaps. Les personnes handicapées, pour telles ou telles raisons, sont très sensibles au regard qui est porté sur eux, et c’est souvent un regard qu’on déplace et qu’on emmène ailleurs pour faire comme s’ils n’existaient pas. Cela me trouble beaucoup.

Le personnage de Monsieur Bouboule était comme une évidence ; quand j’étais petit on m’appelait Babar et ça me reste. Je me pèse tous les matins, c’est ridicule. Monsieur Bouboule ne s’aime pas dans une société qui n’accepte pas les différences. Je l’ai traité avec légèreté.

La légèreté, c’est comme la curiosité, on croit que c’est un défaut
alors que pour moi c’est une qualité.

Comment abordez-vous le travail d’écriture que ce soit pour un roman ou un film ?

Je ne prends pas de notes. J’y pense longtemps, puis quand j’ai assez de matières, je commence à écrire. Généralement, je sais où je vais mais je ne sais jamais exactement comment je vais y aller. Que ce soit pour un roman ou un scénario. Il m’est arrivé de prendre des notes, de baliser le parcours mais au passage à l’écriture d’une continuité dialoguée, je ne me fais plus de surprises. Or je trouve plus excitant de se ménager des surprises, en ne sachant pas exactement le cheminement même si globalement l’objectif est connu.

Les vrais auteurs sont les personnages eux-mêmes,
on ne peut pas leur faire faire n’importe quoi, nous avançons avec.

Quel rapport avez-vous avec le papier ?

Je suis d’une génération qui n’a connu que le livre papier. Il m’arrive désormais de lire sur liseuse notamment quand je voyage car c’est plus pratique mais le toucher du papier et son confort de lecture restent irremplaçables. Je comparerais ce confort avec celui de la consommation de films à la télévision ou pire sur un iphone avec celui de le visionner en salles !  Quand on pense aux efforts fournis pour faire des films et au final, être vu dans le métro avec des écouteurs sur un portable !

Les scénarios imprimés sont l’outil de travail de l‘acteur. Autant un livre est destiné à rester, autant un scénario est une écriture très éphémère. La chenille se transforme en papillon le jour où le scénario devient un film [Maigret, sortie en salles le 23 févier 22, est l’adaptation de « La Jeune fille et la mort » de Georges Simenon, incarné par Gérard Depardieu] Il peut se garder en souvenir mais il reste une étape alors que le roman est une fin en soi.

Quand on lit un roman on sait quand il va se terminer à l’épaisseur des pages restantes,
c’est plus difficile de surprendre le lecteur, il est plus facile de le faire avec la fin d’un film.

Propos recueillis fin décembre 2021 par Patricia de Figueiredo


Continuer la lecture