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« Le rapport à l’écrit persiste encore », Valérie Dumeige, directrice éditoriale des éditions Arthaud

09.03.2022
[Spécial Festival du Livre de Paris (1)] Rachetées par les éditions Flammarion, elles-mêmes reprises par le groupe Madrigal d’Antoine Gallimard, les éditions Arthaud participe à la 1ère édition du Festival du Livre au Grand Palais éphémère du 22 au 24 avril 2022. L’occasion de faire le point sur la santé du marché du livre et de la maison Arthaud avec Valérie Dumeige, sa directrice éditoriale.

Quelle est votre politique éditoriale ?

Valérie Dumeige, directrice éditoriale d’Arthaud Photo @Céline Nieszawer

Chez Arthaud, historiquement, les choix sont assez thématisés, autour de la mer et de la montagne. Il a été fondamental d’élargir les publications sur des questions écologiques autour de l’environnement, la botanique, la zoologie, la Nature, le voyage et de les décliner sur tous supports : illustrés, noirs, documents et essais. Cette stratégie s’impose dans un cadre éditorial.

Comment avez-vous vécu l’année 2021 qui a vu une augmentation des ventes du Livre de 19% par rapport à 2019 ?

Compte tenu de la situation sanitaire d’isolement, de nouvelles méthodes de travail et d’innovation ont vu le jour. Nous avons réussi à avoir et mener des projets au fil d’une énergie déjà engagée. Après l’ouverture des librairies à la fin du premier confinement, Arthaud a connu une bonne année, les gens se sont remis à la lecture.

Quelles sont les collections phares et vos projets ?

La collection Versant intime est très appréciée. Nous interrogeons des auteurs, des écrivains, des chercheurs, des artistes qui nous parlent du lien créatif et affectif qui les uni à la Nature et pour les premières parutions, de leur lien à la montagne. Nous souhaitions nous démarquer des collections régionales, de l’écrivain du terroir. Finalement nous parvenons à fédérer des auteurs – à titre d’exemple, Bélinda Cannone, Etienne Klein, et dernièrement Jean-Christophe Ruffin – avec des ventes qui sont au rendez-vous autour de 8 000 exemplaires. Ces livres à 13 euros en grande diffusion ont dépassé le cercle élitaire dans lequel on pensait les lancer.

Le succès de la collection Versant intime est la preuve qu’il reste des champs de réflexion à investir
qui paraissent, au début, restreints mais qui s’avèrent intéressants.

 Ainsi, en plein confinement nous avons sorti un livre illustré Sextus animalus, tous les goûts sont dans la nature, qui parle de la sexualité des animaux, de l’évolution des modes de reproduction et des organes reproducteurs. 11 000 exemplaires se sont vendus. Ce livre est très drôle, élégant, grand public, jamais vulgaire. Il préfigure un renouvellement des attentes, une autre façon de s’adresser aux lecteurs.

Sur les enjeux du marché du livre notamment le spectre de la surproduction, les livres ont-ils le temps de vivre et de trouver leur public ?

Je constate que la durée de vie d’un livre est de 3 à 4 mois en librairie. Cela est lié en effet à une production assez forte avec des offices réguliers mais aussi à une nécessité d’avoir une richesse de propositions pour des lecteurs de plus en plus sollicités.

Les éditeurs doivent s’adapter à une demande qui nous pousse à aller vers la variété en sachant que la majorité des ventes se concentre sur de gros porteurs.

Arthaud travaille avec les librairies de niveau 1, même si nous avons quelques auteurs visibles. Des livres beaux à un prix raisonnable trouvent un lectorat. Nous ne sommes pas dans une crise même si certains secteurs comme l’illustré doivent se réinventer. Il y a une énorme production écrite, beaucoup de gens veulent s’exprimer et passer sur un support physique, papier – il suffit de voir les piles de manuscrits que nous recevons.

Le rapport à l’écrit persiste encore.

Concrètement comment Athaud s’est réinventé ?

Nous avons une collection intitulée Atlas poétique où nous abordons la zoologie, la botanique, les voyages, nous les vendons dans le monde entier. Nous sommes dans une économie de prototypes, il faut bien connaître un marché et l’assumer. Après, il reste toujours une part d’inconnu avec de bonnes comme de mauvaises surprises. Le marketing, la notoriété ne sont pas les seules clés.

La librairie reste-t-elle le lieu essentiel pour trouver des livres ?

Absolument, avec des libraires de plus en plus dynamiques, exigeants, engagés. Ce sont des moteurs, des personnalités, qui assument leurs goûts et leurs engagements. Ils restent les moteurs du marché du livre. D’où l’intérêt pour les maisons d’éditions d’avoir des liens réguliers avec les libraires.

Que répondez-vous à ceux qui disent que publier trop de livres est écologiquement mauvais ? Qu’il y a trop de pilon ?

 La lecture, que ce soit sur support papier ou numérique, a un coût énergétique. Mais le groupe Madrigal a pris des engagements forts sur les questions écologiques, sur les qualités des papiers. Les livres se vendent encore en format papier. Nous étions optimistes sur le numérique, mais il faut regarder les chiffres, celui-ci reste marginal dans les ventes annuelles.

Quant au pilon, il n’est pas question de faire trop de tirages, ne serait-ce que d’un point de vue économique. Les retirages sont facilités désormais. Cela fait partie de notre travail, de la conception, de l’économie du livre.

Le pilonnage des livres devient de plus en plus rare.

Nous sommes sur des achats de papier à long terme, les tirages se font au plus juste. Mais nous sommes face à des opérateurs, Amazon notamment, qui jouent au flux tendu, au zéro stock. Leur politique nous affaiblit dès que le livre est manquant. Cette notion d’attente est devenue problématique avec un raccourcissement du temps et un élargissement de l’offre mais paradoxalement cela donne plus de chance pour des livres moins attendus. Le marché se renouvelle aussi de cette façon-là.

Propos recueillis par Patricia de Figueiredo, 4 mars 2022.


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