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Écosystème #Interview

Le papier usagé n’est plus un déchet, rappelle Stéphane Panou, Federec

14.09.2021
Stéphane Panou, président de la filière de recyclage papiers-cartons au sein de FEDEREC, nous dévoile les éléments du redressement et appelle les pouvoirs publics à plus de considérations pour le recyclage du papier et du carton, dynamique essentielle d’une économie circulaire, mieux décarbonée.

Après avoir subi le choc de la fermeture des marchés asiatiques, la filière de collecte et de recyclage des papiers et des cartons se porte mieux et voit même ses perspectives avec un optimisme raisonné, même si la situation des papiers à désencrer inquiète.

Quelle est la situation du recyclage des papiers cartons en France ?

La situation est plutôt bonne. Cependant, il faut distinguer deux marchés différents :celui des papiers et celui des cartons. Au niveau du premier, la difficulté existe. Il reste des inquiétudes concernant le papier à désencrer, les journaux et magazines.

La baisse très importante de la consommation de la presse papier, où les prévisions prévues sur 5 ans sont arrivées en 24 mois,a engendré une sur-capacité de production par rapport à la demande.

Cela a abouti à des fermetures d’unités comme celle de la ChapelleDarblay -UPM a aussifermé une autre unité en Angleterre – et il y en aura encore d’autres. Nos partenaires papetiers expliquent qu’entre le 1er janvier 2021 etla fin du 1er semestre 2022, 3 millions de tonnes de capacité de production de papier journal à base de papiers recyclés pourraient disparaître en dehors du territoire français.
Par contre, pour les autres papiers comme ceux des bureaux, la demande reste très bonne. Ce papier recyclé convient à la production de ramettes, et également aux marchés de l’hygiène, avec une demande soutenue par la réouverture des cafés et restaurants.
Sur la partie emballages-cartons, la demande est toujours aussi forte, portée depuis le début de la pandémie par le développement de l’e-commerce principalement, mais aussi le remplacement de l’emballage plastique.
Des capacités de production vont donc arriver sur le marché européen principalement, dans les mois qui viennent.

Par ses performances, l’industrie papetière française mérite une meilleure reconnaissance. 

Sur 2020, les chiffres restent encore à affiner, mais on assiste à une diminution significative du volume collecté et recyclé, aux alentours de 6,3 millions de tonnes, soit une baisse de 429 424 tonnes (-6,4%),par rapport à 2019.
• L’activité de recyclage des papiers, a connu une baisse significative de -22% avec 1,7 millions tonnes de papiers collectés/recyclés. Cette évolution est expliquée à la fois par la baisse de la consommation (-15%) et par une baisse de la récupération pendant la période du confinement (arrêt de certains centres de tri,tri simplifié…). Les prévisions tablent sur une relative stabilisation, avec la fermeture des capacités, concernant les papiers de – 14% et – 22%, en 2021 on sera sans doute aux alentours de -6%.
• L’activité de recyclagedes emballages a connu une légère baisse de -3,5% par rapport à 2019, avec 4 609 000 tonnes de carton collectées/ triées en 2020.

[Pour rappel, en 2019, les emballages collectés et recyclés augmentaient de 1,8% par rapport à 2018, avec 4 794 300 tonnes de carton collectées /triées]. Cette tendance est en parfaite cohérence avec la baisse de la consommation de carton de -3% en 2020.

Les pouvoirs publics poussent à une utilisation de papiers recyclés,
mais s’il provient de l’étranger, l’empreinte carbone diminue d’autant….

Pourquoi ne pas imposer dans la commande publique d’utiliser des papiers à 100% recyclés ?

Cela permettra peut-être de maintenir des usines en France ! Les fermetures concernent celles qui produisent des journaux et revues à base de recyclés. D’un autre côté, certaines vont augmenter leur capacité de production, comme l’usine Greenfied reprise par le groupe allemand Wepa, à Château Thierry pour fabriquer encore plus de la pâte recyclée à base de papiers de bureau issus du recyclage.

La France n’a pas à rougir de ses performances sur la collecte et le recyclage ?

Nous sommes très en pointe sur les taux d’utilisation de cartons d’emballage ou de papier issus du recyclage dans la fabrication d’autres papiers recyclés.

92% d’utilisation de cartons recyclés pour re-fabriquer des emballages,
ce qui est un taux presque optimum.

De plus il faudra toujours une partie de matière vierge pour assurer les caractéristiques techniques voulues pour l’emballage.
Par contre sur les papiers et les papiers graphiques, le chiffre se situe à 44% d’utilisation. La marge de progression sur l’incorporation de ces matières existe, même si on ne peut pas tout imprimer sur du 100% recyclé en fonction des usages et des besoins. Le papier journal est fabriqué à base de presque 100% de recyclé.

 

Chiffres consolidés 2019 du recyclage du papier (source Citeo RA 2019)

 

Quels seraient les messages que vous souhaiteriez faire passer aux candidats aux élections présidentielle etlégislatives ?

Qu’ils soutiennent plus l’industrie papetière en France, tant en capacités de production qu’en investissements dans la filière.
À titre d’exemple,nous assistons àune augmentation très forte des capacités de productions des emballages cartons. La direction générale des entreprises nous annonce de nouvelles papeteries qui vont fabriquer de l’emballage carton pour 7 millions de tonnes, soit l’équivalent de 13 machines. 11 sont en Europe, 2 en Turquie. En Europe, cela représente entre 5,5 et 6 millions de tonnes de capacité de production de cartons pour les mois à venir.
Mais concernant la France, seulement 1 million de tonnes.
On peut s’étonner, alors que nous sommes excédentaires, que les investisseurs préfèrent aller en Allemagne, en Pologne, en Tchéquie, en Italie. C’est décevant.

De combien sommes-nous excédentaires de papiers recyclés ?

Les papetiers français n’ont consommé en 2019 que 5,2 millions sur les 6,7 millions de tonnes collectées/recyclées, nous sommes donc excédentaires d’1,5 de tonnes (sensiblement identique en 2020, avec 1,4 millions de tonnes d’excédent), qui trouvent preneurs, mais elles partent en Allemagne, en Italie, en Suisse, en Belgique. Il serait logique de considérer que ce million et demi pourrait rester en France, mais nous ne disposons malheureusement pas de capacités supplémentaires.
64% de ces volumes restent en France, 30% en Europe et 6% hors UE.

Avez-vous des projets et des raisons d’espérer ?

En 2023, le projet Box annoncé par Golbey avec une capacité d’emballage cartons issus du recyclage d’environ 600 000 tonnes. De même, le récent projet VPK qui s’était positionné sur le rachat de la Chapelle Darblay, s’est en fait déplacé vers l’unité d’Alizé pour transformer une machine à fabriquer du carton issu du recyclage pour 450 000 tonnes par an. Ce qui permettra d’absorber 1 million de tonnes de plus entre fin 2022 et 2023, mais nous resterons excédentaires d’environ 500000 tonnes, sans doute plus si la progression de 3 à 5 % de la collecte de l’emballage carton se confirme.
On aurait encore la possibilité d’avoir une ou deux machines supplémentaires

Pensez-vous que l’usine de la Chapelle Darblay peut repartir ?

J’espère mais la décision de VPK de s’appuyer sur l’usine d’Alizé plutôt que sur la Chapelle n’est pas un bon signe. Mais c’est un phénomène plus global qui concerne toute l’industrie en France. Pour des raisons différentes l’industrie a été laissée de côté et s’est développée ailleurs notamment en Asie. Nous assistons aujourd’hui à des ruptures d’approvisionnement, des problématiques de pièces détachées. Il s’agirait de mettre en place une vraie politique d’industrialisation.
La France, et l’Europe, doivent garder une certaine autonomie, le recyclage en fait partie.

Comment voyez-vous le marché à l’avenir ?

Sauf catastrophe économique, l’avenir s’annonce positif,les voyants sont au vert foncé.
A titre d’exemple, les papetiers qui travaillent dans l’emballage carton ont plusieurs mois de commandes devant eux, alors qu’en 2019, ils n’avaient qu’un mois et demi de commandes devant eux. La très forte progression du PIB français sur la fin de l’année, de l’ordre de 5 à 6%, va profiter à toute l’économie.
Certains sites se modernisent de plus en plus notamment sur la partie collecte sélective, la qualité  du tri s’améliore tout comme la matière triée.

Notre filière de recyclage du papier reste trop discrète sur les progrès entrepris depuis des années. Ses performances sont bien supérieures à celles du recyclage du plastique.

En taux de collecte, nous récupèrerons environ 80 % des papiers cartons mis sur le marché. Nous sommes les meilleurs en Europe et à comparer aux 72% européens. Il y a le savoir-faire et le faire- savoir. Golbey est le 2e acteur sur le marché sur la fabrication de papier journal à base de papier recyclé. Il utilise 85%de papier recyclé et 15% de fibres de bois. Cette ressource provient non pas de la « coupe d’arbres » mais de l’optimisation des forêts, éclaircissage et valorisation des chutes. Cela fait longtemps qu’on ne coupe pas d’arbres pour faire du papier !

En 2023, après avoir modifié son process industriel, Golbey utilisera 100% de papiers issus du recyclage pour fabriquer son papier journal.

Enfin, la reconnaissance du papier recyclé considéré comme une matière première – loin du déchet – est-elle une première victoire ?

Enfin ! En portant cette reconnaissance au plus haut niveau français et à la commission européenne, une vérité s’impose, essentielle.

À partir du mois d’octobre, pour les opérateurs qui le souhaitent, les papiers cartons qui vont sortir de nos sites, ne seront plus des déchets mais des produits qui seront reconnus comme étant une matière première, issue du recyclage, pour la consommation
des papeteries.

Nous venons de passer un cap important.
À nous de le faire savoir !

Propos recueillis le 26 août 2021 par Patricia de Figueiredo


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