L’adoption de l’expérimentation Oui Pub est accompagné d’un encadrement d’évaluation stricte incluant le digital
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L’adoption de l’expérimentation Oui Pub est accompagné d’un encadrement d’évaluation stricte incluant le digital

04.04.2021
La discussion en séance publique vendredi 1er avril de l'Article 9 "Experimentation Oui Pub" du projet de loi Climat et Résilience peuvent être résumés ainsi : tous les amendements de suppression ont été rejetés. Si l'art 9 est adopté, il est complété de 6 amendements (Liasse) qui encadrent l’expérimentation strictement; elle doit tenir compte de la diversité des territoires, prendre en compte d'autres indicateurs au-delà de la seule quantité de déchets produits, et rééquilibrer l'étude comparée de l’impact de la distribution d’imprimés avec celle du numérique.

Discussion générale Article 9 – OUIPUB

Pierre-Yves BOURNAZEL (Agir ensemble)

Chaque année c’est près de 18 milliards d’imprimés qui transitent dans nos boîtes aux lettres, soit 800 000 tonnes de papiers, une moyenne de 30 kilos annuels par foyer. La distribution de prospectus publicitaires est un non-sens écologique. La fabrication de papier est très consommatrice d’eau, d’énergie et favorise la déforestation. Ces prospectus sont lus par moins de 15% des destinataires, cette méthode semble ainsi d’un point de vue commercial, inopérante. Nous sommes donc totalement favorables à inverser le dispositif Stop Pub en créant un dispositif “Pub accepté”. En interdisant la distribution directe à domicile d’imprimés papiers non sollicités, si l’autorisation de les recevoir n’est pas expressément affichée par la position sur le dispositif destiné à la réception du courrier d’une mention clairement visible, indiquant cette autorisation. Dès 2018, j’avais demandé à la Ville de Paris d’agro localement et de mieux lutter contre la distribution des prospectus dans les boîtes aux lettres des parisiennes et des parisiens et sur les véhicules au travers d’un vœu au Conseil de Paris. J’avais proposé un amendement en ce sens lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire en décembre 2019. Notre groupe se réjouit donc que le gouvernement ait décidé d’avancer sur ce sujet essentiel, nous voterons donc en faveur de cet article.

Thibault Bazin (LR)

J’ai l’impression d’habiter un autre pays que mon collègue qui est à Paris mais je comprends qu’il n’a pas de problème de réseaux, que toute la vie peut être 3.0 ou 10.0. Mais mes réalités numériques ne sont pas les mêmes pour tout le monde et nous avons un risque de fracture territoriale et un risque de fracture sociale. Je voudrais vous parler de l’enjeu de l’emploi à travers cela. Derrière cet article, il y a beaucoup d’emplois en jeu, de personnes dans nos territoires qui participent à ces filières de distribution, de conception et d’impressions. Ces emplois touchent le plus souvent des personnes en précarité qui ont besoin de ces compléments de revenus, j’y suis très sensible. J’ai échangé avec eux dans ma circonscription, derrière cette distribution, c’est plusieurs milliers d’emplois en jeu et je pense qu’il faut être très prudent lorsqu’on évoque cet article de manière à ne pas aggraver des fractures territoriales, numériques, sociales puisqu’un certain nombre de nos concitoyens dans nos territoires y sont attachés et des emplois où ces personnes n’arriveront pas à obtenir un autre emploi aussi facilement. 

Réponse des rapporteurs et de la ministre sur les amendements de suppression : 

Aurore Bergé (LREM), rapporteure

Sur l’Article 9, je reste constante quels que soient les amendements de suppression sur les articles. Je reste défavorable aux amendements de suppression qui viendraient envoyer un signal négatif par rapport aux ambitions qui sont celles de ce projet de loi. Il y a un certain nombre d’éléments présentés dans ce projet de loi, vous ne pouvez pas nous dire d’un côté, il faut reprendre les propositions telles qu’elles ont été formulées et quand on les reprend, on nous dit qu’il ne fallait en fait pas toutes les reprendre. il faut garder une certaine cohérence et je la garde personnellement. 

Sur le fond, les inquiétudes que vous évoquez, nous n’y avons pas été insensibles, c’est la raison pour laquelle nous avons procédé avec la ministre à un certain nombre d’ajustements de modifications de l’article 9 lors de l’examen en commission spéciale. Plusieurs ajustements ont été réalisés, le premier est de prévoir une faculté qui sera ouverte au maire, toujours dans le cadre d’une expérimentation, de prévoir des exemptions. vous avez cité des exemples de certains secteurs d’activités, si un maire considère que sur son territoire il faut restreindre ce type d’imprimés commerciaux mais que pour autant il ne faudrait nuire aux petits commerçants locaux, il pourra dire l’arrêt des imprimés publicitaires sauf pour ces secteurs. 

La ministre s’est engagée au banc lors de l’examen en commission spéciale à ce que l’expérimentation ne concerne pas plus de 10% de la population française pour éviter des risques sociaux. On vous propose lors de l’examen en séance de le mettre dans le dur de la loi afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté, même si un engagement a déjà été pris. On vient conforter pour répondre aux inquiétudes, on n’ignore pas l’impact qu’il pourrait y avoir sur l’emploi et les emplois de Français les plus précaires, en situation de handicap ou des petits boulots étudiants. C’est vraiment la raison pour laquelle on essaye de concilier à la fois l’objectif écologique de réduction des déchets et l’impératif de justice sociale qui doit rester le nôtre dans le cadre de l’examen de ce projet de loi. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression considérant les avancées portées en commission et les avancées que nous allons pouvoir réaliser en séance. 

Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique

Ces débats sur les Oui Pub, Stop Pub, on les a depuis des années, on les a eu avec la loi AGEC. L’idée est de sortir des débats sans fin et d’essayer d’objectiver tout cela. L’expérimentation qui va être mise en place dans cette loi va permettre d’objectiver les impacts d’un Oui Pub, tant en termes environnementaux, qu’économiques avec les effets sur l’emploi, l’activité industrielle, la consommation  et ses effets opérationnels.

Je rappelle pour mémoire qu’en 2019, ce sont plus de 894 000 tonnes d’imprimés publicitaires sans adresse qui ont été distribués, cela représente 30 kilos par foyer et par an, souvent jetés dans avoir été lus. Ils représentent 730 000 tonnes de CO2, l’objectif de cet article est de voir comment on peut faire pour lutter contre le gaspillage, une première étude a été menée par l’Ademe sur les conditions freins et leviers à l’expérimentation du Oui Pub, l’impact sur l’emploi fait partie des sujets identifiés.
Une enquête de l’Ademe indique que 70% des répondants se déclarent très ou plutôt ouverts à ce qu’un système inverse au Stop Pub soit testé et appliqué aux communes. L’impact de ce dispositif sur les emplois distributeurs de courriers non adressés, notamment en zones rurales, puisque c’est surtout dans ces zones qu’il peut y avoir un impact fort sera observé dans le cadre des expérimentations de la loi. En ce qui concerne cette problématique de l’impact sur la loi, je tiens à souligner que l’article 9 vise à expérimenter l’interdiction de la distribution à domicile et seulement à domicile des prospectus publicitaires non adressés, sauf demande des habitants dans leurs boîtes aux lettres. Cet article ne vise pas la distribution de prospectus dans la rue, dans les centres commerciaux, ni la publicité adressée, d’autres canaux existent pour faire de la publicité en dehors de la distribution de documents, avec les canaux numériques. Les emplois qui correspondent à la distribution de prospectus dans les boîtes aux lettres pourront se redéployer vers les autres canaux.

L’Ademe va proposer une prestation d’accompagnement pour les territoires qui voudront se lancer dans l’expérimentation. Nous avons pris des engagements, je vous rappelle que dans le cadre des travaux en séance, je serais notamment favorable à l’amendement 6264, identique au 7189 qui vise à ce que l’expérimentation ne dépasse pas 10% de la population, afin que cela reste une expérimentation. On avait parlé en commission d’un raisonnement par l’absurde où toutes les collectivités volontaires puisque l’expérimentation se base sur le volontariat des collectivités, en admettant que toutes les collectivités de France voudraient se lancer dans l’expérimentation se trouveraient dans une application de facto du Oui Pub, ce qui n’est pas souhaitable à ce stage puisqu’on veut connaître les effets de ce Oui Pub. Cet amendement qui réduit à 10% de la population l’expérimentation doit rassurer ceux qui avaient peur de cette généralisation. Il faut tenir compte du fait qu’un certain nombre de personnes ne s’abonnent pas ou refusent de recevoir des newsletter publicitaires. Je rappelle qu’une disposition dans la loi de 2004 interdit la publicité numérique en l’absence  de consentement donc le Oui Pub existe dans le numérique, l’idée est de savoir comment l’intégrer dans le papier. Je suis favorable à l’amendement 4983 du groupe MoDem qui précise que l’expérimentation Oui Pub vise à évaluer l’impact de l’environnement pour prendre en compte les impacts environnementaux des indices de distributions des imprimés publicitaires non adressés, notamment dans les alternatives numériques. Je serais favorable à un amendement du groupe LREM, le 7190 qui prévoit d’intégrer dans le rapport d’évaluation un volet spécifique sur l’impact environnemental comparé avec la publicité numérique. Il faut sortir de ces débats sans fin, mettre en place une expérimentation, en regarder les différents impacts et voir s’il faut généraliser ce Oui Pub. C’est une méthodologie qui est simple, de bon sens et qui permet de rassembler tout le monde. J’émets un avis défavorable à tous les amendements de suppression. 

Jean-René Cazeneuve (LREM), rapporteur général

C’est un message que nous envoie les Français puisque c’est une proposition de la Convention citoyenne et que nous sommes là pour modifier quand cela est nécessaire les recommandations de la Convention citoyenne. D’ailleurs, c’est un exemple intéressant de la valeur ajoutée du Parlement sur cette préconisation de la Convention citoyenne. Cette convention disait : “Il faut arrêter toute publicité à partir du 1er janvier 2021” de manière assez brutale. Le travail que nous avons fait en commission va nous permettre de réduire l’impact, regarder l’expérimentation et de prendre la bonne décision dans deux ans sur ce sujet-là. Je respecte les deux positions entendues, on ne peut pas nier le gaspillage très important de ces tonnes de papiers, pas toujours recyclées, on ne peut pas craindre l’impact social de cette décision et l’impact sur l’information locale. Nous avons pris gardes-fou pour être éclairés lors de la prise de décisions finale.

Nous faisons confiance aux collectivités territoriales et aux élus et un élu peut juger que l’expérimentation n’est pas adaptée à son territoire et il ne la fera donc pas. Un élu urbain pourra prendre la décision à l’inverse. C’est une expérimentation. On retrouve beaucoup dans ce texte, cette volonté de donner du temps, d’observer et faire en sorte que les Français soient convaincus. Nous avons limité l’impact à 10% maximum de la population française, il peut y avoir un impact, mais il sera de toutes façons limité. Nous avons donné la possibilité aux élus de faire un certain nombre d’exceptions sur les événements locaux, la possibilité aux élus de permettre cette expérimentation. En votant cet article, on aura dans deux ans, deux bilans, celui de Oui Pub et de Stop Pub et on pourra prendre une décision éclairée.

Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique

Il faut arrêter le gaspillage, je crois qu’on est tous choqués quand on voit dans nos régions des tonnes de papiers qui s’empilent et qui partent directement à la poubelle car les distributions se font même pas dans les boîtes aux lettres. On ne peut pas continuer cela. Il faut trouver le meilleur moyen, l’expérimentation permet de regarder quel est le meilleur moyen. Continuer le Stop Pub ou passer au Oui Pub ? Quand j’entends des inquiétudes sur des petits artisans il faut regarder les chiffres : les imprimés non adressés sont issus à 90% de la grande distribution. Le reste peut être des annonces d’artisans, d’événements culturels, on a prévu que cette expérimentation puisse faire l’objet d’exceptions pour ce type d’imprimés, on a pensé à cette objection. Chaque maire pourra en décider pour être aligné aux réalités des territoires. J’entends aussi qu’on parle du recyclage, il faut éviter de produire, le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas, donc cela peut être une solution mais le recyclage a ses limites, on ne peut recycler le papier mais après 5 à 7 foison ne peut plus, il n’est donc pas intégral. Le Oui Pub existe pour le numérique, qui a un impact, bien que son impact soit à 70% mesurables avec la fabrication des terminaux. Expérimentons le Oui Pub. 

Les 6 amendements adoptés cadrent précisément

  • Amendement 7189 du groupe LREM qui limite l’expérimentation à 10 % de la population française totale sur la base de candidatures exprimées et qui propose que la sélection tient compte de la diversité des territoires
  • Amendement 4712 de Pierre Venteau (LREM) qui vise à prendre en compte d’autres indicateurs, au-delà de la seule quantité de déchets produits, pour évaluer l’expérimentation.
  • Amendement 6254 de Guillaume Kasbarian (LREM) qui vise à s’assurer du caractère réellement expérimental de cette disposition du projet de loi et d’éviter qu’elle devienne la règle avant qu’une évaluation ait pu en être faite et à s’assurer que la diversité des territoires français soit prise en compte dans cette expérimentation.
  • Amendement 2336 de Eric Alauzet (LREM) qui vise à exclure de l’expérimentation les échantillons de presse
  • Amendement 7190 du groupe LREM qui vise à intégrer au rapport sur l’expérimentation une étude comparée de l’impact de la distribution d’imprimés par rapport au numérique.
  • + un amendement rédactionnel de la rapporteure Aurore Bergé

La suppression de l’article 9 n’a pas été votée, mais la restriction de l’expérimentation est une avancée notable avec la diversité des territoires, la prise en compte d’autres indicateurs au-delà de la seule quantité de déchets produits, et rééquilibre une étude comparée de l’impact de la distribution d’imprimés par rapport au numérique. 

Prochaine étape ; le Sénat.

 


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