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Innovation #Interview

La mouillette à sprayer en papier réunit Mathilde Laurent, nez de Cartier et l’artiste Marianne Guély

07.10.2020
Mathilde Laurent « nez » chez Cartier depuis 15 ans a créé notamment les jus célèbres Baiser Volé ou Les Heures. Avec le Studio artistique de Marianne Guély, elle a transformé la façon d'aborder un parfum avec une mouillette à sprayer en papier. Les deux créatives partagent le potentiel d’une matière naturelle et durable.  

Mathilde Laurent est nez chez Cartier depuis 15 ans © DR

Comment avez-vous commencé à travailler ensemble ?

Mathilde Laurent : J’ai rencontré Marianne assez rapidement après mon arrivée chez Cartier. Je devais en effet participer à un prix pour Les Talents du Luxe et la directrice de la presse de l’époque nous avait présentées afin qu’elle bâtisse mon dossier de candidature. Et j’ai gagné ! Sans Marianne je n’aurais sans doute pas obtenu ce Talent du Bien-être ; Le dossier était tellement beau. De là, est née une véritable collaboration. Marianne n’est pas un fournisseur mais une artiste.

Marianne Guély : J’avais été lauréate quelques années auparavant dans la catégorie Talent de l’Originalité, je connaissais les codes que j’ai pu transmettre à Mathilde.

Marianne Guély, artiste de papier

ML : J’ai été tout de suite totalement séduite lorsque je me suis rendue à son atelier. À l’époque, elle ne travaillait qu’avec un seul collaborateur, Vincent.  Ce fut une vraie révélation artistique mais aussi humaine. Marianne a imaginé le potentiel et l’univers que l’on pouvait développer. Je l’ai suivie et je n’ai pas été déçue.

MG : Une complicité intellectuelle est très vite apparue. Nous avons pu développer des idées que j’avais intuitivement. Des projets ont pu voir le jour parce que Mathilde y croyait, et souvent nous avons été suivis par la maison Cartier.

Pour ma part, je ne suis pas toute seule, je travaille désormais avec toute une équipe.

Comment sont nées les mouillettes des « Heures » de Cartier, votre première collaboration ?

ML : La mouillette à tremper pour un parfumeur est un non-sens. La largeur du spray est en entonnoir, quelques gouttes seulement sont récupérées. C’est une méconnaissance de l’utilisation du papier. Pour un parfumeur, la mouillette doit être assez grande pour récupérer assez de jus. Avec Marianne nous avons tout de suite eu l’idée de faire des mouillettes de grandes tailles qui soient luxueuses.

La Mouillette repend Le Crocodile de la collection des Parfums « les Heures de Cartier » © Studio Marianne Guely

MG : Nous voulions un objet spectaculaire à montrer mais aussi que le client puisse emporter, garder dans un livre, mettre une table de nuit. Créée en 2008, elle a révolutionné l’univers de la mouillette. La première était une mise en abime inversé du flacon, comme un pop-up qui peut se refermer. Le vendeur pouvait cocher le parfum qu’il vous avait fait tester. C’est un vrai petit objet industriel dont je suis très fière. Nous avons utilisé un papier au PH neutre pour ne pas cannibaliser ou faire virer le parfum.

ML : Au lancement suivant, nous avons proposé une fleur, un lys en bourgeon pour Baiser Volé. Mon souhait était que la mouillette représente ce que sentait le parfum. Elle est ajourée avec des fils qui se détachent. C’est un objet très graphique qui a ému les clients et les employés des Galeries Lafayette où il était donné. Beaucoup avaient été positionnés dans tout le magasin.

 Quelles ont été les suivantes ?

MG : Un certain nombre de fleurs que nous avons dessinées à 4 mains, des fleurs de gardénias, mais aussi la célèbre panthère Cartier ou le bébé crocodile. C’est un échange permanent entre Mathilde et moi pour aboutir à un rendu parfait dans les moindres détails. C’est un rêve pour moi de créer des fleurs en papier pour une maison telle que Cartier. Aujourd’hui nous en sommes à la 11ème mouillette !

Parallèlement nous avions travaillé sur des mini-packaging avec des mini pop-up et même des bracelets !

La mouillette en papier pour découvrir un parfum peut aussi être personnalisée en forme de panthère © Studio Marianne Guely

ML : Marianne maîtrise tellement les techniques possibles à utiliser sur du papier, elle est toujours à la recherche d’ennoblissement et possède la patience de délirer sur la nature,

Le parfum étant immatériel, les mouillettes papier permettent de révéler ses senteurs. « Sprayer » le parfum sur du papier le rend visible, repérable et gardable. Il y a cette alchimie, comme pour une photographie. Le papier, dans la vie du parfumeur, est présent en permanence.

Justement quelle place tient le papier dans votre vie ?

ML : J’écris toutes mes formules à la main sur papier. Je suis très papier ; j’adore les magazines, j’aime les photos, j’ai besoin d’avoir les images, les mots écrits devant moi, que je laisse ouverts pour les garder à l’esprit. Dans mon bureau chez Cartier, seulement une infime partie de livres que je possède est ici.

MG : Tu aimes aussi travailler avec des mots, des post-cartes, tu écris un peu partout. Mathilde, elle est entourée de papiers et je me sens à l’aise dans son bureau, il y a des livres, des magazines. Mathilde me pousse à m’abonner pour que je la suive, car quand j’ai rendez-vous avec elle, elle fait systématiquement référence à des articles. De plus, elle possède une très belle écriture en majuscule qui fait partie de sa créativité.

ML : Il y a une vraie créativité autour des magazines, comme par exemple la naissance d’une maison d’édition qui s’appelle ‘Nez’ et qui a donné lieu à un magazine. Le parfum en était dépourvu, depuis la disparition de celui créé jadis par Pierre Cardin.

Quelles sont le prolongement créatif des mouillettes pour toutes les deux ?

Tombée de lys aux Galeries Lafayette © Studio Marianne Guely

ML : Les motifs des mouillettes sont être repris en permanence pour créer un univers. Elles vont devenir emblématiques du parfum, au même titre que son flacon ou son packaging. Puis, nous sommes passées à des dimensions de 12 mètres avec des travaux d’installation ; à titre d’exemple, une pluie de lys tombait du plafond aux Galeries Lafayette.

MG : Le papier peut tout à fait accompagner l’objet précieux jusqu’à l’objet monumental, il n’est pas juste utile au petit format. C’est pour cela que je dispose d’un atelier de 300 m2 à Aubervilliers. J’ai gardé la première maquette faite pour les Galeries Lafayette

On a fait des encarts presse, offerts aux lecteurs des magazines. Cela a permis à un plus grand nombre de la découvrir. C’est le début d’une histoire car va se créer un motif suffisamment fort pour supporter des déclinaisons de toutes formes et matières et couleurs. C’est assez rare.

Propos recueillis par Patricia de Figueiredo


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