Accueil>Nos actions>Le Blog #Lepapieraufutur>Je suis un militant des bibliothèques et des librairies, revendique Pierre Lungheretti (CitéBD)
Culture #Interview

Je suis un militant des bibliothèques et des librairies, revendique Pierre Lungheretti (CitéBD)

10.06.2020
Pierre Lungheretti, directeur général de la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image a commencé sa carrière dans l’édition puis au sein de plusieurs cabinets de ministre de la Culture jusqu’en 2013. Il anime la dynamique nationale BD 2020 stoppée par le confinement, mais prolongée jusqu’en juin 2021.

Pierre Lungheretti à l’occasion de la remise de son rapport sur la bande dessinée au ministre de la Culture, Franck Riester. ©DR

Le papier a t-il compté dans votre confinement et de quelle manière ?

Dans un premier temps, cette crise sanitaire nous a tous précipités devant nos écrans et sur les réseaux numériques, puisque les librairies étaient fermées et les interactions sociales dans l’espace physique impossibles. Néanmoins, étant un grand lecteur – de livres et de journaux – et appréciant particulièrement l’objet livre, après le premier choc du confinement, j’ai eu un contact particulièrement prolongé et intense avec les livres en papier. Avec ceux de ma bibliothèque. Ceux que j’avais déjà lus et que j’avais envie de relire, et ceux que je n’avais pas lus.  La période du confinement a donc été pour moi un moment où le papier a été très présent, finalement beaucoup plus que les écrans que je limitais aux séances de visioconférences nécessaires à la poursuite de mon travail. J’ai évité d’être trop happé par les réseaux sociaux.

Avec un livre papier ma concentration est beaucoup plus intense que sur une liseuse ou sur un écran. 

Comment voyez-vous le rôle du papier dans l’après covid et peut-il participer à la reprise ? 

Je reste convaincu que le papier a un avenir considérable dans les années qui viennent. La place croissante du virtuel et du numérique dans nos vies quotidiennes recréé un désir et un besoin de contact, d’échange et de partage physique. On le voit par exemple avec le succès des concerts et avec le faible développement du livre numérique. Je suis convaincu, comme beaucoup, que livres numériques et livres papiers ne s’opposent pas, ils se complètent, et les études sur le sujet confirme cette intuition. Ainsi l’avenir du livre papier m’apparaît comme porteur d’un large potentiel de développement. Après la crise que nous venons de traverser, il me semble indispensable de renforcer notre action envers des territoires et des populations qui ont été plus fragilisés que d’autres : les territoires périphériques et les territoires ruraux isolés. Le livre papier qu’on peut échanger et faire circuler constitue un outil d’éveil à la lecture et à la concentration indispensable pour conduire une politique de la lecture qui visera à faire circuler les idées, à inviter à la réflexion, à éveiller l’esprit critique. Toutes ces facultés qui sont indispensables pour vivifier notre démocratie.

2020 est labellisée « année de la BD », quelles sont les adaptations prises pour que ce secteur de l’édition puisse continuer à vivre le mieux possible ? 

Le confinement a conduit à l’annulation et au report de plusieurs opérations et des manifestations qui devaient avoir lieu entre mars et juillet. Le ministre de la Culture, Franck Riester, a pris la bonne décision : prolonger 2020, Année de la Bande Dessinée jusqu’à la fin du mois de juin 2021. Cette prolongation permettra à ces opérations d’avoir lieu et même d’en susciter de nouvelles. Je suis très optimiste sur la poursuite de cette belle initiative nationale. A la Cité de la BD, nous travaillons d’arrache-pied avec le Centre National du Livre et le ministère de la Culture, en lien avec l’ensemble de la filière pour préparer au mieux cette prolongation.

En tant que directeur de la Cité de la BD, comment avez-vous été impacté et quelles sont vos perspectives d’avenir ? 

Nous avons dû reporter plusieurs opérations : des rencontres avec des auteurs, des résidences d’auteurs à la Maison des Auteurs et celles qui étaient programmées en partenariat avec d’autres structures telles que la Villa Médicis, le Centre des Monuments Nationaux ou le Centre National du Cinéma. Nous avons reporté plusieurs expositions, celle que nous devions ouvrir en juin sur les liens entre bande dessinée et cinéma d’animation ou celle consacrée à la bande dessinée africaine. Nous travaillons au report de ces opérations. Nous allons quasiment toutes pouvoir les conserver et j’en suis très heureux. Nous avons développé beaucoup d’actions pendant le confinement notamment l’opération #ToutelaFranceDessine, qui était initiée sur les réseaux mais qui invite les Français à dessiner sur du papier !

Dans cette disruption sociétale accélérée, quelle est votre proposition pour que le papier ait sa place dans le ‘capitalisme numérique’ ?

L’exposition : « Mode et bande dessinée » qui s’est tenue de juin 2019 à janvier 2020. ©DR

Je suis un inlassable militant de l’action culturelle, de l’éducation populaire et de l’éducation artistique pour créer des opportunités qui donnent envie de lire, et plutôt sur papier pour les raisons que j’ai indiquées. Je suis un militant des bibliothèques et des librairies. Ce sont des lieux de partage et d’échange, où l’on peut feuilleter des livres sans être dérangé, découvrir des auteurs et des dessinateurs.

Je crois profondément à un programme ambitieux de diffusion de la lecture s’adressant surtout aux plus jeunes,
et notamment à ceux qui ne peuvent bénéficier d’une transmission familiale.

Il faut les initier au plaisir des fréquenter des bibliothèques et des librairies, d’être en contact avec des « passeurs » : des auteurs, des bibliothécaires, des libraires, des enseignants qui aiment les livres et qui pourront transmettre tout ce que cela peut apporter dans une vie.

www.citebd.org           https://www.bd2020.culture.gouv.fr/ 

Réponses reçues le 2 juin 2020


Continuer la lecture