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« Un écrivain peut faire bouger les choses » pour le romancier Ghazi Rabihavi, sélectionné pour le Prix Médicis étranger

02.11.2020
Ghazi Rabihavi, romancier, auteur dramatique et cinéaste iranien, condamné à mort dans son pays, est en exil à Londres depuis 1995. Il est nominé pour le Prix Médicis étranger pour son dernier roman « Les garçons de l’amour », une histoire d’amour entre deux garçons. De passage à Paris, il a répondu à nos questions.

Vous êtes né en 1956, quel a été votre parcours en Iran ?

Ghazi Rabihavi de passage à Paris en octobre 2020. Photo © Raphaël Gaillarde

J’ai vécu dans le sud de l’Iran et j’ai été témoin de la réalité de la guerre Iran-Irak. Je suis arrivé à Téhéran à 22 ans au moment de la Révolution. J’ai publié mes premières nouvelles dans les années 80, dont La Fosse qui a suscité la polémique. Je me suis tourné vers l’écriture de scénario pour gagner ma vie et j’ai collaboré avec le cinéaste Ebrahim Golestan.

Quelle littérature vous a influencé dans votre jeunesse et aujourd’hui ?

 Les livres des écrivains américains Ernest Heminway et William Faulkner venaient d’être traduits et publiés en farsi quand j’étais jeune. J’essayais d’apprendre la technique d’écriture à travers leurs romans, comment commencer une histoire et comment retenir l’attention du lecteur. Mais les auteurs qui m’ont appris à voir la vie et le monde, qui m’ont montré comment un écrivain peut apporter sa pierre pour faire bouger les choses, ce sont deux écrivains français Albert Camus et Marguerite Duras. Également, à 16 ans j’ai fait du théâtre en tant qu’acteur et la révélation que j’ai eue avec les pièces de l’auteur dramatique anglais Harold Pinter a ouvert une nouvelle porte sur l’écriture de mes pièces. Actuellement, je me suis plongé dans l’œuvre de Samuel Beckett …

Quel est le poids de la censure dans votre pays ?

 Tous les écrivains ont été confrontés à la censure. Quand un roman est fini, il passe par les grilles de la censure et cela met entre 3 et 4 ans avant d’obtenir l’autorisation de le publier et la plupart du temps, vous ne l’obtenez pas ! J’ai fini mon dernier livre en 1990, en 1994 j’ai été autorisé à l’imprimer mais à seulement 1000 exemplaires.

Comment le support papier est-il vécu en Iran ? Est-ce un moyen de contourner la censure ou au contraire est-ce le numérique ? 

Il n’y a pas d’éditeur indépendant en Iran, aussi les écrivains trouvent leurs lecteurs sur des sites internet de magazines.

Dans votre roman « Les garçons de l’amour », vos deux personnages sont particuliers dans la littérature iranienne…

 Mes deux personnages homosexuels ont une relation amoureuse très forte. C’est un thème que les autres écrivains n’abordaient pas, que ce soit par autocensure ou par la censure, ce sujet ne les concernait pas. L’homosexualité n’existe officiellement pas en Iran. Écrire sur la réalité est un danger. Pour ma part, j’ai été interdit de publication et condamné à mort, j’ai fui mon pays natal après une série d’assassinats en chaîne d’écrivains.

Les Garçons de l’amour, Ghazi Rhabihavi, Serge Safran éditeur. 432p. 23,90€

L’avis de Culture Papier : « Ce village que j’aimais tant s’était transformé pour moi en un lieu d’épouvante et d’effroi. Comment en était-on arrivé là ? Cela devait arriver de toute façon puisqu’on m’y considérait comme un malade. Hajji avait fini par conclure que j’étais incurable. Je n’étais pas le fils qu’il attendait. » Djamil, fils cultivé d’une bonne famille tombe amoureux de Najil, un faucheur de blé. Leur relation, condamnée par la famille de Djamil, les contraints à fuir l’Iran alors qu’éclate la révolution islamique. S’ensuit une longue errance qui les ramène dans leur pays qui entame sa guerre avec l’Irak.

Le roman traduit en français par Christophe Balaÿ s’impose comme une dénonciation brillante et poignante des sociétés patriarcales où l’homosexualité est punie de la peine de mort, où les femmes sont quasiment absentes, où promiscuité entre hommes et interdits religieux n’induisent que frustrations, violences et haines.
Reste l’amour de Djamil et Najil qui éclaire ce roman important par ses fulgurances.

 

www.sergesafranediteur.fr

 

 


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