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Culture #Interview

Pour Eric Fottorino, éditeur du 1 : Le recul est la réflexion qu’on imprime.

18.05.2020
Éric Fottorino, directeur des rédactions du 1, America, Zadig et bientôt de Légende (Le 17 juin), s’inquiète de la mise en règlement judiciaire de Presstalis décidée le 15 mai. Malgré la menace financière qui pèse sur la pérennité de son entreprise liée l'incurie de la distribution presse, il revendique le rôle de distanciation de l’imprimé dans ce ‘tout écran’.

Presstalis vient de déposer le bilan, vous avez manifesté votre colère devant cette situation qui était portant prévisible…

Je dénonce cette situation depuis deux ans et Le 1 avait consacré un numéro entier à la gestion clanique et défaillante de Presstalis  qui a amené cette entreprise à des pertes de 120 millions d’euros et à une situation de fonds propres négatifs de 450 millions d’euros. L’impossible conciliation des intérêts des quotidiens et des magazines a donné le coup de grâce à cette messagerie. Avec la mise en règlement judiciaire de Presstalis décidée le 15 mai par le Tribunal de commerce de Paris, mes encours sont gelés pour un montant de l’ordre de 800 000€, soit entre le quart et le cinquième de mon chiffre d’affaires. Comment assurer la continuité de mes titres, c’est une question aujourd’hui vitale qui devra trouver sa réponse dans les semaines qui viennent ; J’ai toujours joué le jeu pour aider Presstalis. J’ai acquitté les 2,25% de surtaxe sur notre CA prélevés depuis deux ans et en mars 2019. J’ai lancé aussi mon trimestriel Zadig dans cette messagerie. A présent, pour espérer survivre, tous nos titres seront chez MLP.

 

Deux plans de sauvetage étaient proposés, l’un des deux avait-t-il votre préférence ?

Non car dans les deux cas, ils auraient conduit à notre disparition. La question est de recouvrer les sommes qui nous sont dues, fruits des recettes de nos ventes. Je ne suis pas le seul dans ce cas, Society , We Demain ou L’Éléphant sont des publications qui marchent très bien, gagnent de l’argent. Nous tirons le marché vers le haut. Nous contribuons à combler les trous que creusent les quotidiens qui font supporter aux magazines une partie du coût de leur distribution. Cela ne peut plus durer.

 

Comment le papier vous a-t-il accompagné dans votre confinement ?

J’ai lu des romans qui font écho à notre situation.  Malevil de Robert Merle que je n’avais jamais lu ; l’histoire d’un groupe de survivants après une explosion nucléaire qui réinventent une vie dans un village du sud de la France.

Un homme qui dort de Georges Perec raconte le quotidien qu’une personne qui se confine de son plein gré. Et L’art du roman de Milan Kundera où il rappelle que Kafka décrit ce que nous vivons aujourd’hui dans son roman Le Château : le personnage est confronté à une dictature de l’extérieur qui le domine. 

 

Quel rôle le papier pourrait jouer dans la reprise ?

Avant d’être dans cette épidémie, nous ne cessions de dire que la société était complexe. Elle est maintenant incompréhensible. Dans ce grand effondrement de la compréhension du monde, je pense que le papier est le support qui donne écho de la façon la plus profonde, à un rythme qui permet de rassembler et d’organiser la diversité des savoirs de façon intelligible.

Au moment où ce virus nous a forcé au ‘tout écran’ et au ‘sans contact’, pendant les journées de télétravail, de réunions Skype ou Zoom, les gens ne peuvent pas absorber sur les écrans l’information qui vient dans les échanges.

 

Ce confinement a poussé à l’explosion du numérique, va-t-il perdurer ?

On ne sait. Les usages ont explosé faute de choix mais je pense que cela peut créer des phénomènes de lassitude. Par l’écran, le travail arrive dans nos foyers. Cette confusion des lieux crée un malaise et un mal-être. Le papier peut faire partie des secours.

« Le papier est une oasis encore plus précieuse car il oblige à réfléchir, en dehors des « breaking news ». Ce recul est la réflexion qu’on imprime. »

 

Vous deviez sortir ‘Légende’, la parution de ce nouveau trimestriel est-elle toujours prévue ?

Tout à fait, seule sa sortie a été différée du 18 mai au 17 juin. C’est un trimestriel autour des grandes légendes, le premier numéro est consacré à Zidane à l’occasion de l’Eurofoot qui aurait dû avoir lieu. Il est une figure intéressante par son parcours personnel et collectif, ce Franco-algérien qui nous a donné la Coupe du monde et qui a terminé sa carrière par un coup de boule. ‘Légende’ donne l’occasion de raconter et de comprendre une époque (ici les années 90) à travers les parcours personnels.

Légende a été conçu comme un objet, porté comme un colis par une entreprise spécialisée.  

Il se démarque de ce qui a déjà était fait, par sa grande taille, ces 100 pages avec 70% de photos et 30% de textes. Sur KissKissBankBank nous avons collecté 190 000 euros, au-delà de nos espérances. Nous comptons déjà 2500 abonnés, certaines pour plusieurs années et nous avons même un abonné à vie !

Propos recueillis le 15 mai 2020 par Patricia de Figueiredo

 


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