Comment est née cette loi ? S’inscrit-elle dans une prise de conscience globale de la Lecture comme grande cause nationale décrétée par le Président Emmanuel Macron ?
Florence Provendier, députée des Hautes-de-Seine,
A l’initiative de la sénatrice Sylvie Robert, cette proposition de loi fait suite aux rapports d’Erik Orsenna et Noël Corbin, « Voyage aux pays des bibliothèques » et celui de mes collègues Aurore Bergé et Sophie Tolmont pour redonner un véritable élan aux bibliothèques et la lecture. L’objectif de cette proposition de loi est d’inscrire les missions et principes fondamentaux des bibliothèques dans le code du patrimoine tout comme cela a été fait pour les musées et les archives. Sylvie Robert avait déjà travaillé avec la sénatrice Colette Mélot, sur l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques. Cette loi a été adoptée à l’unanimité par les deux chambres. Elle répond ainsi parfaitement à l’urgence déclarée par le Président de la République de redonner à la lecture et aux bibliothèques la place centrale qui leur revient en les hissant au rang de grande cause nationale.
Quels sont les grands principes de cette loi ?
Cette loi réaffirme les missions des bibliothèques territoriales mais également les grands principes qui guident leur action, tels que le libre et l’égal accès, la gratuité, le pluralisme des collections ainsi que l’égalité, la neutralité et la mutabilité du service public.
Le texte rappelle que les bibliothèques constituent, conservent, communiquent et transmettent des collections, des documents et objets ainsi qu’un patrimoine. Un patrimoine pluriel allant du patrimoine graphique au patrimoine photographique en passant par le patrimoine linguistique, historique ou encore scientifique.
Vous avez souhaité changer l’article 12 qui concerne le devenir des livres suite à un « désherbage » par rapport à la version sénatoriale ?
Tout comme il n’y pas qu’une vie dans la vie, les livres peuvent avoir plusieurs vies.
Afin de favoriser le développement de la lecture publique et faciliter le « désherbage » réalisé par les bibliothèques, c’est-à-dire le retrait des collections des ouvrages dont elles n’ont plus l’usage, j’ai voulu qu’elles aient légalement le droit de donner des livres à des associations, des fondations et des organismes de l’économie sociale et solidaire qui pourront eux-mêmes les revendre. En effet, cette pratique déjà répandue leur permet d’éviter de jeter des millions de livres au pilon et participe à l’économie circulaire.
Au-delà de cet article, quelles ont été les évolutions par rapport au Sénat ?
Le numérique aide au classement
Nous avons introduit directement dans la loi le fait que les bibliothèques favorisent la lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme. De plus, j’ai tenu à inscrire le principe de mutabilité, qui implique que les bibliothèques doivent s’adapter constamment aux usages et technologie de leur temps. J’ai souhaité encourager les coopérations entre les bibliothèques et les organismes culturels, éducatifs et sociaux et les établissements pénitentiaires afin de promouvoir la lecture et la culture dans et hors les murs. J’ai également soutenu l’importance du rôle de médiation culturelle que jouent les bibliothèques auprès des publics et plus particulièrement des publics empêchés. Enfin, le Gouvernement a porté un amendement pour interdire la suppression des bibliothèques départementales avec lequel j’étais pleinement en accord. En effet, les bibliothèques départementales jouent un rôle structurant dans la mise en réseau des bibliothèques de leur territoire, tant dans l’allocation des documents et objets que dans le conseil et la formation des bibliothécaires.
Que préconisez-vous pour faire revenir une partie de la population qui ne poussent pas la porte des médiathèques pour des raisons diverses ? Faut-il désacraliser le lieu et son aspect savant ?
40 % de la population fréquente les bibliothèques, nous avons donc une marge de progression importante.
Au-delà de la volonté d’allonger les horaires d’ouverture, les bibliothèques fourmillent d’initiatives pour augmenter leur fréquentation. Outre le fait d’être des espaces culturels, les bibliothèques sont des espaces de vie, d’échanges, de rencontres humaines et font le lien entre différentes activités. Les bibliothécaires y jouent un rôle clé, ils promeuvent le lien entre les différents services proposés, s’adaptent et anticipent les besoins de leurs publics. Par exemple, à Boulogne-Billancourt, une bibliothèque de quartier propose beaucoup de titres de presse pour des usagers de bureau mais aussi des instruments et des machines à coudre. A La Courneuve, la médiathèque propose un accompagnement des usagers dans leurs démarches administratives, des cours de français hebdomadaires ou encore des livres dans leurs langues maternelles. Beaucoup organisent des ateliers de cuisine, de couture et en profitent pour faire découvrir le livre autour de la thématique de l’atelier. Le livre est ainsi un support qui reste au cœur de la raison d’être des bibliothèques mais gravitent autour de beaucoup d’autres supports et services. Le bibliothécaire fait donc le lien entre les disciplines.
Pour résumer, cette loi consacre le rôle essentiel des bibliothèques dans notre société, passeuses de culture, vectrices d’émancipation individuelle et de cohésion sociale.
Propos recueillis le 17 décembre 2021 par Patricia de Figueiredo
