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En matière d’éco-circularité, il faut se prémunir de tout dogmatisme, selon Géraldine Poivert, (RE)SET

16.01.2021
[Spécial 2020-2030] Après avoir travaillé pour la grande distribution, Géraldine Poivert a créé et dirigé Ecofolio, l’éco-organisme en charge du recyclage du papier, qu’elle a fusionné avec celui de l’emballage. Conjuguant économie et écologie, l’ancienne Directrice générale adjointe de CITEO est devenue entrepreneuse depuis 18 mois, et développe RE(SET), société de conseil stratégique pour accélérer la transition écologique des entreprises et ainsi répondre aux nouvelles contraintes réglementaires et aux attentes des consommateurs.

Pourquoi avec créé RE(SET) et quels sont ses buts ?

Il y a 3 raisons à la naissance de RE(SET) :

Premièrement, j’ai pu voir ces 20 dernières années que la transition environnementale consiste et exige une vraie transition économique. Les acteurs privés et publics ont besoin d’une mise en œuvre, du passage à l’acte.  Les contraintes sont données par la réglementation, la fiscalité, mais il leur manque le plus souvent le déclic, pour engager la maison durable, l’amélioration d’un packaging ou l’invention d’un nouveau textile.

Deuxièmement, les acteurs ont besoin de se faire accompagner avec une vision stratégique, tout en ayant recours à l’innovation, à des tests industriels. L’idée de RE(SET) est de faire du « 4 en 1 » : nous accompagnons les acteurs en faisant un  diagnostic « sprint », le « design thinking », la mise en œuvre industrielle avec des pilotes, et le lien avec les parties prenantes, les acteurs de l’écosystème.

Ce 4 en 1 permet d’abaisser les coûts sans avoir de rupture de charges, c’est un vrai bénéfice pour les sociétés.

Enfin la troisième raison est plus personnelle ; j’avais en effet très envie de revenir à l’entreprenariat. J’ai créé RE(SET) avec Franck Gana avec qui je travaille depuis 10 ans. Nous sommes en mode start-up et nous avons embauché beaucoup de jeunes, c’est très rafraichissant. Nous conjuguons l’économie et l’écologie. Il ne faut surtout pas les opposer, je suis convaincue que la transition écologique demeure une opportunité d’être demain, leader sur son marché et de pouvoir saisir de nouveaux débouchés.

Nous travaillons sur tous les sujets de l’économie circulaire appliquée à tout type d’industrie : le textile avec le Fashion Pact, le meuble avec Eco-mobilier, les produits de consommation courants avec les leaders de la distribution… Tout l’enjeu est de préparer les entreprises à ce schisme pour trouver des nouveaux matériaux éco-conçus : le bois, le tissu, la cellulose, … de trouver de nouveaux exutoires, de nouvelles manières de produire votre canapé, votre commode, votre sachet de salade… pour qu’ils aient de multiples vies. Comme je l’avais fait dans le papier avec Ecofolio.

Vous êtes en lien avec les pouvoirs publics ?

Nous sommes au carrefour des nouvelles réglementations et des choix économiques et industriels qu’elles induisent. Nous participons à créer des ponts entre les acteurs privés et publics qui atteindre leurs objectifs, qui sont les mêmes : faire de la transition écologique une réalité, et non un vœu. Nous avons travaillé avec Brune Poirson, sur la concertation autour du décret 3R dédié au plastique.
Nous pensons qu’il est important de « désiloter». Ce que l’on apprend sur un secteur est souvent très nourricier pour l’appliquer à un autre secteur. Aujourd’hui les difficultés des acteurs sont la plupart du temps, les mêmes avec cette tension sur la ressource qui implique de produire autrement. Nous serons bientôt 10 milliards d’êtres humains qu’il faudra nourrir, vêtir, équiper de téléphones portables… Cela génère les mêmes interrogations sur l’optimisation de la production, l’offre de nouveaux usages aux consommateurs. Il faut rassurer les marchés, les clients et créer, puis donner une nouvelle vie aux produits.

Chez RE(SET), nous invitons les gens à travailler en consortium – c’est-à-dire entre ‘concurrents valeur’ –
pour définir des socles et la chaîne de valeur nécessaires à la construction du nouveau matériau.

Dans le domaine du print, que peut apporter RE(SET) ?

En éco-circularité, il faut se prémunir de tout dogmatisme.  Il n’existe pas de solutions miracles ou applicables uniformément. Si je prends l’exemple du packaging, les dispositifs de recyclage sont différents à l‘intérieur de l’Europe, en Asie, en Afrique, de même que les infrastructures, donc les solutions ne peuvent pas être les mêmes. Se pose une question systémique, c’est-à-dire qu’en fonction du marché sur lequel je travaille, je n’ai pas besoin du même emballage ; le bon emballage répond à mon besoin produit, mon besoin marketing et tient compte de la géographie sur laquelle je me trouve. Le papier carton a une immense opportunité de redevenir un matériau très compétitif, résilient, et se transformer pour prendre des formes différentes : rondes, convexes et de se fonctionnaliser pour ajouter des propriétés barrières qui supposent de trouver des coatings recyclables.
À lui de jouer sa pleine partition et potentialité en complément du plastique. La fibre cellulose peut passer de la 2D à la 3D, passer du perméable à l’imperméable, ce qui requiert de nouvelles chimies.
Le papier-carton a aussi un rôle à jouer dans le mobilier avec des structures très compressées, structurées et demain il trouvera sa place dans d’autres univers comme l’électrique ou l’électronique en servant de structure de base. Sans déclarer la guerre à d’autres matériaux, il doit rependre sa pleine place. Charge à l’industrie qui le porte de trouver des producteurs, des transformateurs, des adjacents complémentaires, de travailler tous ensemble vers ces nouvelles parts de marchés nées des nouveaux usages et des nouvelles méthodes de travail.

Concrètement, votre premier « consortium » a associé Carrefour et Système U ?

Les deux grands distributeurs, Carrefour et Système U, sont venus nous voir. Ils venaient de signer le Pacte national français, préambule du décret 3R et de la Loi Économie circulaire, pour sortir du « tout plastique » ; il fallait des solutions de compléments. Nous avons identifié des alternatives en papier carton pour l’alimentaire. Nous avons lancé notre premier programme et ils ont relevés le défi. Carrefour et System U sont concurrents mais ils ont mis en commun leurs savoirs, leurs moyens, leurs équipes pour travailler ensemble.

Le premier sachet de salade en papier est aussi le fruit d’une mise en commun ?

12 fabricants de marques de distributeurs sont venus et nous avons identifié un vertical de produits dans différentes familles : liquides, produits d’hygiène, biscuits, etc… Il s’agissait de faire le diagnostic en se demandant quelles propriétés barrières étaient nécessaires pour remplir les enjeux industriels et marketing d’usage des consommateurs et remplacer le sac plastique. Une fois le diagnostic établi, un grand programme de sourcing d’innovations a été lancé autour du papier carton avec de la chimie de fonctionnalisation.
Plus d’un millier de réponses au niveau mondial nous ont été envoyées, que nous avons scorées, et analysées.  Une trentaine de pilotes, sur la base de ces innovations, ont été identifiés.

Le premier pilote qui a abouti est un sachet de salade en papier, porté par Carrefour et LSDH, qui ouvre beaucoup d’horizons positifs. La phase de finalisation et de tests consommateurs permettra d’ultimes améliorations.

Associer le regard du distributeur et celui du tri comme du recyclage a favorisé la vitesse d’exécution.
Pour trouver la meilleure solution qui ne soit pas un mauvais compromis.

La mise en rayon est prévue pour 2021. En commençant à travailler sur l’ensachage en entrée de gamme, cela va ouvrir de nombreuses perspectives pour d’autres gammes. Le premier pilote est plus compliqué mais facilite les suivants. Changer des lignes d’emballage est complexe et requiert des financements. L’emballage est un produit subtil qui sert à préserver, transporter, tracer, vendre.

Beaucoup de contre-vérités ont circulé au sujet du papier, ces innovations biosourcées, fruit d’un engagement collectif contribuent-elles à convaincre de son potentiel ?

Les enjeux de la forêt et du bois sont immenses : avec la biodiversité se joue notre survie. Pour autant les challenges à relever sont plus liés à l’exploitation agricole et au bois d’œuvre… on a parfois confondu des débats…Le papier est parvenu à rétablir des vérités sur son approvisionnement, sur son usage ; son process de production a été considérablement amélioré et doit continuer à l’être.  Nos usines papetières et nos champions de la filière continuent à travailler pour que le produit soit le plus résilient et agile possible.

Pour en savoir plus : www.theresetcompany.com
sur linkedin

Propos recueillis le 27 novembre 2020
Pour lire ou télécharger le n°40 Spécial 2020-2030


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