Hier, samedi 28 novembre, jour de réouverture des librairies – mais encore avec ausweis – je suis allé m’enquérir de ce qui se passait dans celle où j’ai mes habitudes ; c’est une petite libraire comme tant d’autres, dans le centre d’une petite ville de France comme il y en a tant. J’étais inquiet : tous ces mois de fermeture depuis le début de l’année ne pouvaient que laisser des traces, pas forcément positives ; d’autant que la demande en livres électroniques s’était accrue par la force des choses.
Il y avait tellement de monde devant ma libraire que les clients faisaient la queue jusqu’au trottoir d’en face. Spectacle impressionnant. A l’évidence, tous ces gens avaient soif de livres papier. Magalie, ma libraire, criait victoire. L’avenir pouvait être moins sombre que prévu.
Cette scène qui date d’hier exprime une chose simple à mes yeux : les citoyens de ce pays littéraire qu’est la France ont largement compris où se trouve le dernier refuge des hommes libres dans un monde toujours plus instable et menaçant. Plus que jamais, ils savent que digitaliser c’est déshumaniser – et distinguent sans peine ce qui passe – le flux du livre numérique – de ce qui reste – la constance du livre papier.
Oui, ces livres-là, ceux de nos pères, peuvent être ceux de nos enfants demain et leur ultime tanière pour continuer à agir et à penser par eux-mêmes. Voilà ce qu’incarnera le livre papier dans dix ans – et au-delà.
Juste une inquiétude : dans la file des lecteurs qui faisaient la queue devant ma librairie, il n’y avait personne de moins de quarante ans.
*voir Magazine n°33 Le papier dans la Cité p.26
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